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Publié le 06/06/2018 5 minutes de lecture
La Provence a attiré des peintres célèbres comme Van Gogh, Cézanne et Picasso avec ses grands champs de lavande, ses villages rustiques perchés sur des collines et sa lumière si particulière, mais on trouve dans toute la région un art qu’on ne peut réduire à une toile ou enfermer dans un cadre. D’une gastronomie trop bonne pour être instagrammée aux soirées embaumées à converser avec des amis, découvrez l’art de vivre d’une Provence qui réveille l’imagination.
Quand la beauté naturelle se fait nourriture
“Un jour viendra où l’observation innocente d’une simple carotte engendrera une révolution” – Paul CézanneLa cuisine est considérée comme un art depuis longtemps dans le monde entier, mais peu d’endroits façonnent la gastronomie avec autant d’inventivité que la Provence. Les conditions climatiques favorables ont fait de cette région méditerranéenne gorgée de soleil une grande source de produits somptueux : truffes délicates, huiles d’olive dorées, légumes charnus et produits de la mer tout frais pêchés. La cuisine provençale tourne autour de ces produits locaux pour donner des plats sophistiqués à partir d’ingrédients simples et de qualité. Même dans les restaurants étoilés au Michelin de la région, on troque le voyant, la pompe et la prétention pour l’amour des plats de saison généreux.Dirigée par Christophe Chiavola, la cuisine des Terrasses de l’Image à Saint-Rémy fonctionne selon le concept du locavorisme (avec des produits locaux ou venus du jardin du chef exclusivement), et contribue au caractère écoresponsable de la cuisine régionale. Élégant, au bord du Vieux Port de Marseille, Le Poulpe s’enorgueillit de n’utiliser que des ingrédients produits à moins de 200 km de la ville. Fondé en 2013 par deux amis d’enfance, Michel Ankri et Michel Portos, il propose parmi ses plats inventifs d’inspiration méditerranéenne un burger de poulpe au pain noir.Autres endroits de choix, l'Atelier Rabanel à Arles, deux étoiles au Michelin, où la cuisine saine et naturelle semble être une quête artistique. La “greenstromie” de Jean-Luc Rabanel vise à maîtriser la force des plantes, des légumes, des fleurs et des herbes sauvages de saison. Un peu moins puriste, Marie Georgette, à Aix-en-Provence, transforme des plats réconfortants en créations de grande classe : un burger à la crème de truffe, ça vous tente ?

Boire aux merveilles de la nature
“La vérité est dans la nature, et je dois le prouver” – Paul CézanneLa Provence n’est peut-être pas la première région qui vient à l’esprit quand on pense au vin français, mais elle recèle un secret particulier qui en a fait une région viticole de renommée mondiale depuis que les Grecs anciens y ont planté des vignes, il y a près de 2 500 ans. Célèbre pour ses blancs et ses rosés en biodynamie gouleyants, le terroir associe ici une terre riche en minéraux, un climat ensoleillé et la magie du mistral, qui chasse l’humidité sur les grappes et les laisse sèches, mûres et à l’abri des nuisibles.L’œnotourisme est relativement récent en Provence, et les visites de domaines ont encore un côté authentiquement rustique et presque exclusif. Avec une situation unique sur les pentes du cap Canaille, près de la mer, les vignes du Clos Sainte-Magdeleine, à Cassis, donnent un rosé léger mais intense, grâce au sel dans le vin et à l’iode du sol. Les amateurs de rouge iront dans les terres des Alpilles jusqu’au Château Romanin ou au Château de Gicon à Chusclan trouver des millésimes riches et charpentés, reflet du microclimat montagneux environnant.Boire une bière dans un pays où la carte des vins ressemble à un poème épique peut sembler un peu plébéien, mais une “petite mousse” fait autant partie du paysage provençal que Van Gogh et les tourbillons de ses nuits étoilées. Les archéologues ont découvert des preuves du brassage de la bière en Provence remontant au Ve siècle. Même si bières artisanales et microbrasseries n’ont pas encore le statut iconique du vin, de nombreux endroits contribuent à les promouvoir, comme la Brasserie de la Plaine. Ouverte en 2013, cette brasserie biodynamique produit la première bière bio marseillaise. Dégustations, visites et ateliers aideront les brasseurs amateurs à réussir la pinte parfaite.

Une nuit étoilée en ville
“Souvent il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour” – Van GoghUne bonne partie de l’art de vivre provençal est faite de détente entre amis, un pastis à la main, de soirées à converser et de culture nocturne. Tandis que la lumière provençale tombe, Saint-Tropez et Monaco, réputés et fascinants, vous occuperont toute la soirée. Sirotez des apéritifs en fin d’après-midi au bar tranquille de l’Hôtel Ermitage à Saint-Tropez ou de bonnes ales artisanales à la Brasserie de Monaco. Pour plus d’animation, essayez L’Esquinade.Le jour, le labyrinthe du Vieux Nice déborde d’étals de fleurs et de marchés hauts en couleur, la nuit, il attire une foule bruyante de noctambules. Le Snug & Cellar (un des pubs les plus sophistiqués de la ville) est idéal pour prendre un verre au calme, tandis que Chez Wayne’s, chic et débraillé à la fois, et Le Six, un bar gay, plairont aux fêtards.À Aix-en-Provence, on profite des soirées embaumées en envahissant les terrasses autour de la place des Cardeurs, de la place de Verdun et de celle de l’hôtel de Ville. Moins bourgeois, le quartier du cours Julien à Marseille, où la population bohème de la ville crée un environnement qui tient autant de la Méditerranée que de Manhattan. Passez une soirée chez Massilia, avec sa carte astucieuse de bières artisanales et d’excellents cocktails, ou faites vibrer tous vos sens au Living Art’s restaurant and live-music, qui associe décor chic, dégustations de vin, concerts de jazz et expositions artistiques.

Une toile urbaine
“La fonction de l’art est de laver notre âme de la poussière du quotidien” – Pablo PicassoUne bonne partie du bucolisme qui a fait la réputation de la Provence et s’est fixé dans l’imagination des voyageurs vient des générations précédentes de grands artistes : Cézanne a peint les montagnes pastorales et leurs villages brun et or, Van Gogh des fermes solitaires et des champs d’iris pourpres, la Femme nue couchée sous un pin de Picasso est une forme audacieuse et moderniste des montagnes escarpées et des hautes fougères de la Montagne Sainte-Victoire.Aujourd’hui, ce sont les espaces urbains qui attirent de nouveaux artistes dans la région. Si sa réputation de repaire de hipsters vous fera peut-être rire, le cours Julien, à Marseille, est le foyer de tout un kaléidoscope d’artistes de rue reconnus. L’art urbain a envahi les rues depuis les années 1980, mais cette enclave bohème a vu une résurgence de cette forme d’art l’année où Marseille a été Capitale européenne de la culture, en 2013, avec de nombreuses initiatives lancées pour encourager l’art de rue. Un festival annuel de Street Art invite les artistes locaux à “taguer” la ville autour de thèmes spécifiques, et le MUR de Marseille, un mur extérieur de 3 m×5 m à l’angle de la rue Crudère et du cours Julien, exprime tout le caractère éphémère de cet art en demandant à de nouveaux artistes de repeindre son “cadre” tous les deux mois.Il n’y a pas que l’art de rue qui ajoute de nouvelles touches à l’héritage artistique déjà riche de la région. En 2014, on a lancé en Arles la construction de la fondation Luma, nouveau centre culturel expérimental dessiné par Frank Gehry. Conçu pour des projets photographiques, documentaires ou multimédia novateurs, le bâtiment principal n’ouvrira qu’en 2019, mais les visiteurs peuvent déjà profiter de sa programmation dans les anciens ateliers ferroviaires du complexe artistique.La fondation Carmignac ouvrira un nouvel espace d’exposition sur l’île de Porquerolles en 2018, avant l’inauguration à Aix-en-Provence du plus grand musée consacré à Picasso au monde, en 2021. Entre les murs d’un ancien couvent, la galerie présentera plus de 1 000 œuvres de l’artiste, avec un centre de recherche, un auditorium de 200 places et des ateliers de modelage et d’esquisse, permettant ainsi de revisiter de façon moderne les artistes les plus symboliques de la région.
Traduit par : Vincent Guilluy