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Publié le 16/01/2018 4 minutes de lecture
Il est facile de voir pourquoi les Brésiliens ont surnommé Bahia a terra da felicidade (le pays du bonheur). Cet État du nord-est, avec sa côte baignée de soleil, est un paradis tropical et sa capitale, Salvador, accueille un des plus grands carnavals du monde. Mais un coup d'œil aux armoiries officielles de Bahia avec leur devise en latin, per ardua surgo (je m’élève dans l’adversité), indique une histoire plus tourmentée. Bahia n'est pas que soleil, sable et défilés de rue : dès le XVIe siècle, l’État fut un centre du trafic d'esclaves. Quatre millions d’esclaves africains arrivèrent en Amérique par le Brésil ; près d’1,5 million d’entre eux passèrent par Salvador et furent immédiatement envoyés travailler dans les plantations de sucre voisines.Aujourd’hui, Bahia est une terre de contrastes baignée de traditions culturelles africaines. Pour profiter au mieux de la capitale haute en couleur de l’Afro-Brésil, faites comme ses habitants. Savourez le présent, et profitez de la plage – mais n’oubliez jamais le passé, même quand la fête bat son plein. Voici nos premières suggestions.
Découvrez la capoeira
La capoeira – une forme d’art afro-brésilienne qui mêle arts martiaux et danse – est née dans les plantations de sucre de Bahia, où les esclaves vivaient entassés. Là, sous le couvert de la nuit, ils s’entraînaient à l’autodéfense. Pour cacher leur entraînement physique à leurs maîtres, ils se mirent à y incorporer des figures acrobatiques et des danses, et à y ajouter le rythme d’instruments de percussion rudimentaires.
Au début du XXe siècle, l’esclavage fut aboli et deux maîtres de la capoeira transformèrent leur discipline en une forme d’art, dans deux écoles distinctes. L’un de ces capoeiristas, le légendaire Mestre Bimba, en fit une démonstration devant le président brésilien en 1928. Le reste appartient à l’histoire. Aujourd’hui, on peut assister à des performances de capoeira dans les rues, dans des rodas (cercles de capoeira) sur les plages, et surtout dans les académies de capoeira traditionnelle du Pelourinho, le centre historique de Salvador, reconnu par l’UNESCO. Allez jeter un œil à l’Associação de Capoeira Mestre Bimba, la plus ancienne école de capoeira du monde, voir les maîtres s’entraîner ou vous inscrire à un cours.Dégustez la cuisine de rue afro-brésilienne
Regardez la fumée qui monte des stands de cuisine et des charrettes, au bord de la plage et dans les rues. C’est là qu’on trouve les Baianas – des femmes de Bahia habillées de robes de dentelle blanche traditionnelles, avec d’épais foulards et des bijoux colorés – qui préparent des en-cas d’inspiration africaine. Le classique incontournable s’appelle acarajé, un beignet frit de haricots à œil noir écrasés.
Notez le fût d’huile bouillante : c’est la dendê, une huile de palme forte qu’on trouvait à l’origine en Afrique, typique de la cuisine bahianaise. C’est la base de plusieurs plats que vous goûterez, comme la moqueca (un riche ragoût de produits de la mer aux tomates et à l’ail). Accompagnez le tout de caipirinha, le cocktail national brésilien, fait de citron vert, de sucre et de cachaça, un alcool de canne semblable au rhum. À Salvador, on trouvera des variantes de la caipirinha classique qui incorporent des fruits colorés comme la pastèque ou le maracuja.Assistez à un spectacle du Balé Folclorico
Prenez vos billets longtemps à l’avance : le Balé Folclórico de Bahia (Ballet folklorique de Bahia), renommé dans le monde entier, présente un spectacle inoubliable au Teatro Miguel Santana. Il ne ressemble à aucun autre ballet. Le spectacle comprend des dizaines de musiciens, de danseurs et de chanteurs qui présentent un répertoire de “danses d’esclaves” traditionnelles, de capoeira, de samba et de danses de cérémonie liées au Candomblé, un culte religieux qui s’est développé dans l’Afro-Brésil. Le spectacle somptueux – avec notamment des jongleurs de feu, et des capoeiristas agiles suivant le rythme de tambours, de cloches et de percussions traditionnelles africaines – passe en revue l’histoire et la culture bahianaises.
Allez voir des concerts
La musique afro-brésilienne n’est pas difficile à dénicher : elle imprègne tout Bahia. À Salvador, la vie quotidienne semble rythmée par les instruments à percussion traditionnels comme le berimbau (instrument en forme d’arc utilisé pour la capoeira), l’atabaque (haut tambour de bois) ou l’agogô (clochette). Le mardi soir, allez dans le Pelourinho assister à une performance d’Olodum, un groupe de tambours afros fondé en 1979 (il figure dans la vidéo de l’hymne protestataire de Michael Jackson, They Don’t Care About Us, tournée par Spike Lee en 1995).Ensuite, passez à l’atelier de Mestre Lua Rasta, maître de capoeira, musicien, artisan, et spécialiste des instruments de percussion afro-brésiliens. Mestre Lua Rasta tanne lui-même son cuir, il va chercher son bois sur une île face à Salvador, dans la baie, et rapporte ces matériaux à son atelier pour fabriquer des instruments uniques, superbes. On peut lui en acheter un, ou prendre un cours de percussions.
Rejoignez la fête – n’importe quelle fête
Ne le cédant qu’à celui de Rio de Janeiro en termes de dimensions, le carnaval de Salvador attire plus de deux millions de fêtards durant la semaine qui précède le mercredi des Cendres. À Bahia, la fête est centrée sur la musique, avec des défilés de blocos afros (troupes de tambours) et de trios elétricos (camions ou chars avec sonos et scènes pour concerts ambulants) qui traversent lentement les rues pleines de festivaliers.
Mais si vous ne pouvez assister au carnaval, ne vous inquiétez pas. Des fêtes ont lieu toute l’année à Bahia, et les festivités liées au Candomblé sont particulièrement amusantes et passionnantes. Le 2 février par exemple, c’est la Festa de Iemanjá, en l’honneur de la divinité afro-brésilienne des femmes et de la mer. Un million de personnes, toutes habillées de blanc, traversent la ville en procession avant de jeter des fleurs à la mer en offrande. La cérémonie explose ensuite en une gigantesque fête de rue.Traduit par : Vincent Guilluy