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Cap sur l'Europe de l'Est au fil de l'Eurovelo 6

Mis à jour le : 4 novembre 2020

Carte

L’EuroVelo 6 s’étire de l’Atlantique à la mer Noire, mais c’est peut-être dans le sud-est de l’Europe qu’elle offre l’expérience la plus authentique.

Le jour se lève tandis que je pédale vers l’est le long du Danube, sur le tronçon serbe de l’EuroVelo 6 (EV6). Sur la rive opposée, la Roumanie dort encore. La forteresse de Golubac (XIVe siècle) apparaît au loin, nimbée des premières lueurs de l’aube. Bientôt, ses tours rondes et ses remparts crénelés se dressent au-dessus de moi sur un affleurement rocheux. Ils disparaissent tandis que je m’engage dans un tunnel sous les murs de la citadelle. Lorsque je ressors de l’autre côté, le Danube n’a plus le même visage. Ses berges onduleuses ont cédé la place à des gorges étroites et abruptes. Sur les 100 km suivants, le fleuve se faufile entre ces falaises calcaires de plusieurs centaines de mètres de hauteur qu’on appelle les Portes de Fer, caractéristiques des Carpathes méridionales au nord et de la chaîne des Balkans au sud.

En empruntant ce défilé, je ne peux m’empêcher de penser que la partie orientale de l’EV6 est l’une des portions les plus spectaculaires de cet itinéraire transeuropéen.  Long de plus de 4 600 km, il débute sur la côte Atlantique et traverse dix pays : la France, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie, la Croatie, la Serbie, la Bulgarie et la Roumanie. Chaque tronçon a ses points forts, mais aucun n’est plus méconnu et aucun ne mérite plus d’être découvert à vélo que celui qui serpente sur 1 770 km au bord du Danube, depuis Budapest jusqu’à la mer Noire.

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C'est à Budapest que débute ce tronçon de l'Eurovelo 6

En me préparant à parcourir la totalité de l’EV6, je m’étais longuement interrogé. Serais-je capable de gérer la logistique d’une telle expédition à travers le continent ? Parviendrai-je à relever le défi physique et mental de longues heures passées en selle du matin au soir, jour après jour ? En arrivant à Budapest, après 2 900 km avalés en trois semaines, mon corps était devenu une machine.

J’étais plus conscient que jamais que l’EV6 s’apparente à un voyage initiatique. Sa seule promesse tacite était de me guider à travers l’Europe le long de ses plus célèbres fleuves, de l’embouchure de la Loire sur la côte Atlantique jusqu’au point où le Danube se jette dans la mer Noire. À moi de parvenir à entrer en osmose avec ce parcours. C’est au fil du Danube, de la capitale hongroise jusqu’à la péninsule balkanique, que l’alchimie s’est opérée.

Mon planning était parfait, mais ce n’était pas le fruit du hasard. On m’avait averti du caractère encore brut de cette partie de l’EV6. On m’avait prévenu que pour affronter les Balkans, territoire marqué par une histoire bouillonnante et forgé par des empires et épisodes successifs – romain, byzantin, ottoman, austro-hongrois, yougoslave et soviétique –, il fallait savoir parfaitement lire une carte, télécharger une myriade d’applications mobiles et s’armer de beaucoup de patience face à des infrastructures encore peu développées.

Tout cela était vrai. Mais le manque de signalisation routière fiable et l’absence de bistrots et de boutiques étaient compensés par des hébergements bon marché, la générosité des habitants, leur empressement à m’indiquer mon chemin et le bonheur d’être parfaitement autonome.

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Sur l'Eurovelo 6, vous serez loin du tourisme de masse

Dégagé des inconvénients du tourisme de masse, empruntant tantôt des routes, tantôt des pistes cyclables, tantôt des chemins en terre aménagés sur des levées, j’ai traversé des villages bordés de vergers, de fermes et de vignobles à flanc de coteau, de la Croatie à la Serbie, puis à la Bulgarie et à la Roumanie. J’étais désormais moins soucieux de me perdre et plus ouvert aux rencontres.

Après Budapest, le chemin part au sud à travers la Hongrie pour gagner les terres viticoles de la Slavonie, dans l’est de la Croatie, avec des étapes à Osijek, Vukovar et Ilok. Il pénètre ensuite en Serbie en passant par Novi Sad, puis par Belgrade, et enfin par les féeriques gorges des Portes de Fer. En Bulgarie, les panneaux indicateurs se font plus rares, le regard des habitants plus étonné, et la route devient un long ruban noir qui se déroule au milieu des champs de tournesol. Dans ce pays, les étapes comprennent Vidin, Oryahovo, Svishtov et enfin Roussé (Ruse), célèbre pour son architecture néobaroque. L’itinéraire s’achève sur la côte roumaine, à Constanța, où la mer Noire s’étend à perte de vue. Debout sur la plage, au terme de mon voyage, j’ai eu l’impression d’avoir vécu un rêve.

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L'itinéraire s'achève sur la côte roumaine, à Constanta, face à la mer Noire

“Depuis quelques années, l’idée de parcourir tout l’itinéraire jusqu’à la mer Noire séduit de plus en plus d’amateurs”, explique Vladan Kreckovic, coordinateur du projet EuroVelo pour la Serbie. L’EV6 est l’une des 16 véloroutes européennes qui couvrent tout le continent, parmi lesquelles cinq traversent les Balkans. “Les visiteurs réalisent qu’il existe un univers inconnu au-delà de Budapest. Les aménagements sont en cours de réalisation, mais la nature, un patrimoine culturel et culinaire d’une grande richesse et des gens heureux d’accueillir les étrangers, et fiers de leur faire découvrir leur pays, sont d’ores et déjà au rendez-vous.”

Pendant près de deux semaines, 7 heures par jour, j’ai pédalé, plongé dans une douce euphorie. Je suis passé devant des cathédrales, des cabanes de pêcheurs, des stations balnéaires de l’époque communiste et des usines désaffectées. Il m’est arrivé de rester plusieurs jours sans croiser un autre cycliste. Loin de m’angoisser, cela m’a ouvert le champ des possibles : explorations sans entrave et pures découvertes. Au moins une fois par jour, en suivant le Danube le long de villages posés comme des îles sur un océan de tournesols d’un jaune éclatant, je me suis exclamé : “C’est ça, être libre !”

Dans le même genre : Odyssées européennes

Eurovelo 8 (EV8) : La route de la Méditerranée

Vingt-trois sites classés par l’Unesco ponctuent cet itinéraire qui longe des plages superbes et traverse onze pays : l’Espagne, la France, Monaco, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Grèce et Chypre. Après un tel périple, on vous pardonnera si vous décidez de ne plus jamais vous lancer dans une excursion longue distance !  En chemin, vous pédalerez au bord de l’Atlantique et de la Méditerranée (en passant par la mer d’Alboran, la mer des Baléares, la mer Ionienne et la mer Égée), mais aussi au bord de l’Adriatique, qui ourle la moitié nord de la péninsule balkanique avec plus d’un millier d’îles. Les dernières étapes nécessitent de prendre un bateau entre Athènes et Chypre.

Départ : Cadix, Espagne
Arrivée : Chypre
Distance : 7 560 km
En savoir plus : fr.eurovelo.com/ev8

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Vous longerez la côte méditerranéenne et ses eaux turquoises

Eurovelo 9 (EV9) : De la Baltique à l’Adriatique

L’EV9 est l’une des routes les plus courtes du réseau EuroVelo. (Il en existe 16, numérotées d’EV1 à EV19 – les itinéraires nord-sud, plus nombreux, portent des numéros impairs). Partant des rives de la Baltique, elle file droit vers le sud en passant par six pays : la Pologne, la République tchèque, l’Autriche, la Slovénie, l’Italie et la Croatie. Sa longueur relativement modeste et les villes traversées en chemin, comme Vienne, Ljubljana et Trieste, contribuent à son attrait. Le parcours s’achève au bord de l’Adriatique, à la pointe de la péninsule istrienne, en Croatie, réputée pour son vin, son huile d’olive et ses truffes.

Départ : Gdańsk, Pologne
Arrivée : Pula, Croatie
Distance : 2 050 km
En savoir plus : fr.eurovelo.com/ev9

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Vous traverserez la Styrie, un paysage d’allure toscane, jalonné de vignobles, près de la frontière slovène

Eurovelo 13 (EV13) : La route du rideau de fer

Ceux qui ont davantage de temps devant eux – et de bonnes jambes – s’attaqueront à l’EV13, la route la plus longue du réseau. Cumulant les superlatifs, elle permet de découvrir 14 sites classés par l’Unesco, trois mers et 20 pays, soit près de la moitié des 42 nations couvertes par l’ensemble du projet EuroVelo.  C’est aussi la route des extrêmes, avec un point de départ dans le cercle Arctique, en Norvège, et une arrivée sur les côtes de la mer Noire à Tsarevo, en Bulgarie, juste au-dessus de la frontière turque. L’itinéraire se démarque également par son fil conducteur, longeant l’ancien “rideau de fer” qui a longtemps partagé l’Europe d’après-guerre en deux blocs opposés.

Départ : Kirkenes, Norvège
Arrivée : Tsarevo, Bulgarie
Distance : 10 400 km
En savoir plus : fr.eurovelo.com/ev13

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Les vestiges du rideau de fer en République tchèque