Ouzbékistan : Histoire

Chronologie de l'Ouzbékistan

Les terres qui se trouvent le long du cours supérieur de l’Amou-Daria (Oxus), du Syr-Daria (Iaxarte) et de leurs affluents se sont toujours distinguées du reste de l’Asie centrale. Les populations y furent toujours plus largement sédentaires, et la région a été dominée depuis l’époque des Achéménides (VIe siècle av. J.-C.) par une culture élaborée du commerce et des oasis. Aujourd’hui encore le rapport à la transmission et à la terre différencie les populations de cette région de celles du reste de l’Asie centrale.

Les anciens empires

La région était connue des Perses sous le nom de Bactriane, Kharezm et Sogdiane, satrapies de leur empire. Au IVe siècle av. J.-C., Alexandre le Grand pénétra dans l’empire achéménide fondé par Cyrus le Grand. Il s’arrêta près de Marakanda (Samarcande) puis, après avoir soumis les Sogdiens dans leurs montagnes, épousa Roxane, la fille d’un chef local.
Au VIe siècle, les Turcs occidentaux – la branche occidentale de la dynastie des Turcs Kök (“bleus”) – arrivèrent des steppes septentrionales. Ils adoptèrent rapidement le mode de vie local, abandonnant l’errance, et contribuèrent largement à entretenir l’importance de la route de la Soie. Au VIIIe siècle, les Arabes introduisirent l’islam et leur alphabet écrit en Asie centrale, mais la région s’avéra trop vaste et trop instable pour qu’ils parviennent à la gouverner.
La dynastie des Samanides (819-1005) réintégra la région dans l’Empire perse aux IXe et Xe siècles. Sa capitale, Boukhara, devint le centre d’une renaissance intellectuelle, religieuse et commerciale. Au XIe siècle, les Ghaznévides s’installèrent dans les régions méridionales. Pendant une brève période, les Shahs du Kharezm turcs dominèrent l’Asie centrale depuis l’actuelle Kounia-Ourguentch au Turkménistan, puis, au début du XIIIe siècle, les belles oasis de la région furent dévastées par Gengis Khan. L’Asie centrale ne devint réellement “centrale” qu’avec l’avènement de Tamerlan (Timur Lang ou Amir Timur), guerrier sans pitié et mécène des arts, qui transforma Samarcande en une capitale éblouissante.

Les ouzbeks

On sait peu de chose sur l’origine des Ouzbeks. Lors de la fondation de la Horde d’or, Chaïban, un petit-fils de Gengis Khan, hérita d’un territoire correspondant au nord de l’actuel Kazakhstan et à des régions russes limitrophes. Le plus grand khan de ces tribus mongoles chaïbanides – et sans doute, le premier à se convertir à l’islam – fut Özbek (Uzbek), qui régna de 1313 à 1341. À la fin du XIVe siècle, ces tribus se désignaient par le nom de ce khan.
Migrant vers le sud-est et se mêlant à des tribus turques sédentaires, les Ouzbeks adoptèrent la langue turque et atteignirent le Syr-Daria vers le milieu du XVe siècle. À la suite d’un schisme (qui donna naissance aux proto-Kazakhs), les Ouzbeks s’unirent sous l’égide de Muhammad Chaïbani et s’emparèrent des vestiges de l’Empire timouride. Au début du XVIe siècle, toute la Transoxiane (“le pays au-delà de l’Oxus”), de l’Amou-Daria au Syr-Daria, appartenait déjà aux Ouzbeks.
Le plus grand (et le dernier) des khans chaïbanides, auquel on doit certains des plus beaux monuments de Boukhara, fut Abdullah II qui régna durant la seconde moitié du XVIe siècle. Par la suite, alors que la route de la Soie était abandonnée, l’empire déclina sous le règne des Astrakhanides, de lointains cousins des Chaïbanides. Au début du XIXe siècle, la région était aux mains de trois cités-États ouzbèkes, faibles et querelleuses : Khiva, Boukhara et Kokand.

L'arrivée des russes

Au début du XVIIIe siècle, le khan de Khiva proposa à Pierre le Grand de Russie de devenir son vassal s’il l’aidait à combattre les tribus maraudeuses turkmènes et kazakhes. Cette proposition éveilla l’intérêt des Russes pour l’Asie centrale. Quand toutefois les Russes marchèrent sur Khiva en 1717, le khan ne souhaitait plus leur protection et, après de feintes démonstrations d’hospitalité, fit massacrer presque entièrement le bataillon de 4 000 hommes.
Le commerce d’esclaves à Boukhara et Khiva donna aux Russes l’occasion de revenir à plusieurs reprises afin de libérer des colons et voyageurs russes. En 1801, Paul Ier, tsar au caractère instable, envoya 22 000 cosaques dans une folle équipée destinée à bouter les Anglais hors des Indes, leur donnant l’ordre de libérer les esclaves en chemin. Le tsar fut néanmoins assassiné peu après et l’armée fut rappelée alors qu’elle traversait péniblement les steppes kazakhes.
La tentative suivante, entreprise en 1839 par le tsar Nicolas Ier, visait à devancer l’expansion en Asie centrale des Britanniques, qui venaient de s’emparer de l’Afghanistan. Cependant, c’est la libération des esclaves russes de Khiva qui fut employée comme prétexte à l’expédition du général Perovski, parti d’Orenbourg avec 5 200 hommes et 10 000 chameaux. En janvier 1840, pour tenter de rendre caduc ce prétexte, un envoyé britannique, le capitaine James Abbott, arriva à Khiva (venu de Herat déguisé en Afghan) et proposa au khan de négocier en son nom avec le tsar la libération des esclaves en échange de la promesse russe de renoncer à toute incursion militaire.
Alors que l’armée de Perovski, découragée par un hiver particulièrement rigoureux dans les steppes, avait déjà fait demi-tour, le khan, ignorant ce retrait, accepta l’offre d’Abbott. Celui-ci réussit à atteindre Saint-Pétersbourg.
En quête de nouvelles d’Abbott, le lieutenant Richmond Shakespear parvint à Khiva en juin de la même année. Il réussit à convaincre le khan de relâcher tous les esclaves russes sans contrepartie et même de leur fournir une escorte armée jusqu’au plus proche poste russe, sur la rive est de la Caspienne. La gratitude des Russes fut sans doute mêlée d’une certaine dose de dépit devant ce qui fut l’une des plus audacieuses manigances du Grand Jeu
Lorsque les Russes attaquèrent finalement la région vingt-cinq ans plus tard, les capitales des khanats tombèrent comme des dominos : le général Mikhaïl Grigorievitch Tcherniaïev prit Tachkent en 1865, et le général Konstantin von Kaufman s’empara de Samarcande et de Boukhara en 1868, de Khiva en 1873, et de Kokand en 1875.

La domination soviétique

Au XXe siècle encore, la plupart des populations centrasiatiques s’identifiaient, d’un point de vue ethnique, à des Turcs ouzbekophones ou des Perses tadjikophones. Le lien entre “Ouzbek” et “Ouzbékistan” est pour l’essentiel une construction soviétique. Après la révolution de 1917 et le brutal sac de Kokand en 1918, les bolcheviks proclamèrent la République socialiste soviétique (RSS) autonome du Turkestan. Temporairement chassés par des contre-révolutionnaires et des basmatchi (combattants musulmans), ils revinrent deux ans plus tard et transformèrent les khanats de Khiva et de Boukhara en “Républiques populaires”.
Puis, en octobre 1924, la carte fut entièrement redessinée sur des bases ethniques, et les Ouzbeks se virent soudain dotés d’une “patrie”, d’une identité officielle et d’une langue écrite. Au fil des ans, la RSS ouzbèke changea de contours au gré des desiderata de Moscou, qui l’amputa du Tadjikistan en 1929, lui adjoignit le Karakalpakstan pris sur la Russie en 1936, puis des pans de steppe ôtés au Kazakhstan en 1956 et 1963, et partiellement restitués en 1971.
Pour les paysans ouzbeks, les principales conséquences de la domination soviétique furent la collectivisation forcée – et souvent imposée dans le sang – de l’agriculture, ressource essentielle de la République, et la conversion massive à la culture du coton. L’intelligentsia locale et la plupart des dirigeants politiques de la République furent décimés par les purges staliniennes. Ce passé et le respect traditionnel pour l’autorité expliquent l’impact minime de la glasnost (ouverture) et de la perestroïka (restructuration) des années 1980 en Asie centrale et la quasi-absence de réformes significatives.

L'indépendance

Premier mouvement non communiste d’importance, le Birlik (Unité) fut fondé en 1989 par des intellectuels de Tachkent autour de questions telles que la reconnaissance de l’ouzbek comme langue officielle et les conséquences de la monoculture du coton. Malgré un soutien populaire, le Parti communiste l’empêcha de participer à l’élection du Soviet suprême (organe législatif et de contrôle) ouzbek en février 1990. L’assemblée élue, dominée par les communistes, nomma Islam Karimov, le premier secrétaire du Parti communiste d’Ouzbékistan (PCO), au nouveau poste de président de l’exécutif.
À la suite du coup d’État avorté d’août 1991 à Moscou, Karimov proclama l’indépendance de l’Ouzbékistan. Peu après, le PCO se métamorphosa en Parti démocratique du peuple de l’Ouzbékistan (PDPO), qui hérita de toutes les propriétés de son prédécesseur, de son appareil de contrôle, de l’essentiel de son idéologie et de son dirigeant, Karimov. En décembre 1991, les premières élections présidentielles au suffrage universel direct furent remportées par Karimov avec 86% des voix. Son seul rival, le poète Muhammad Solih, représentait l’Erk (Volonté ou Liberté), un petit parti d’opposition virtuelle ; il obtint 12% des voix et fut rapidement contraint à l’exil. Les véritables partis d’opposition, le Birlik et le Parti de la renaissance islamique (PRI), ainsi que tous les partis liés à la religion, n’avaient pas eu le droit de participer aux élections.
En 1992, une nouvelle Constitution proclamait l’Ouzbékistan “république présidentielle, démocratique et laïque”. Sous Karimov, le pays a certainement été laïc, mais nullement démocratique.

Répression et "massacre d'Andijan"

Les années qui suivirent l’indépendance virent la consolidation de la mainmise de Karimov. Comme il le faisait précédemment à la tête du PCO, il continua à se préoccuper de tout, des salaires des jardiniers municipaux aux quotas de la production d’or. Le contrôle des médias, le harcèlement policier et l’emprisonnement des militants laminèrent l’opposition, tandis que l’économie stagnait et que perdurait la monoculture du coton aux effets dévastateurs.
Une nouvelle menace surgit en février 1999 quand une série d’attentats à la bombe frappa Tachkent. Elle provoqua la répression des fondamentalistes musulmans radicaux – localement désignés comme wahabis (wahhabites) –, qui s’étendit plus largement à tous les opposants. Des centaines de prétendus extrémistes musulmans furent arrêtés. Le PRI, qui avait des partisans dans la vallée de Fergana, dut passer à la clandestinité, et l’Erk fut déclaré illégal.
Après avoir prolongé son premier mandat par référendum, Karimov remporta une deuxième élection présidentielle en janvier 2000, avec 92% des suffrages. Des observateurs étrangers dénoncèrent les irrégularités du scrutin, et l’élection fut largement condamnée par la communauté internationale. Puis les attentats du 11-Septembre fournirent un répit à Karimov. Le président ouzbek ouvrit des bases aux États-Unis et à l’OTAN à Termez et à Karchi pour la guerre en Afghanistan, et profita de la manne financière versée par les Américains (500 millions de dollars US pour la seule année 2002).
Devenu un allié stratégique des ÉtatsUnis dans la “guerre contre le terrorisme”, Karimov en profita pour intensifier sa campagne contre les wahabis. Selon plusieurs groupes de défense des droits de l’homme, il qualifiait tout opposant de “terroriste” afin de le réduire au silence. Une autre élection truquée en 2004, législative cette fois, ne souleva que de faibles protestations de la part de la communauté internationale.
Telle était la situation le 13 mai 2005 quand le massacre de centaines de manifestants dans la ville d’Andijan déstabilisa le pays et ruina les bonnes relations entre l’Ouzbékistan et les États-Unis.

2005

Dans la nuit du 12 au 13 mai, un groupe de proches prend d'assaut la prison d'Andijan, où sont retenus une vingtaine de puissants entrepreneurs locaux, accusés d’appartenir à un mouvement musulman prétendument extrémiste et interdit par le gouvernement. Ils déclenchent une manifestation massive et pacifique sur la place principale d’Andijan. Les autorités réagissent par une répression sanglante, qui fait "officiellement" 173 morts (entre 500 et 1000 selon les ONG). Après le refus du pays de la mise en place d'une mission d'enquête internationale, les États-Unis suppriment la quasi-totalité de leur aide et l’Union européenne impose des sanctions et un embargo sur les armes.

2007

Karimov est réélu pour la troisème fois à la présidence, au mépris de la limitation constitutionnelle à deux mandats.

2008

L’Union européenne allège ses sanctions contre l'Ouzbékistan. L'embargo sur les armes est levé l'année suivante.

2009

Elections législatives largement remportées par le parti populaire démocratique du président Karimov.

2010 

En juin, aff rontements entre Kirghiz et Ouzbeks, à Och, dans la vallée de Fergana du Kirghizstan. Au moins 200 personnes sont tuées et 400 000 déplacées.

2014

Pour leur retrait d’Afghanistan, les soldats américains et ceux de l’OTAN durent convoyer 70 000 véhicules et 120 000 conteneurs à travers l’Asie centrale.

2016

Le président ouzbek Islam Karimov décède après être resté un quart de siècle au pouvoir ; il est enterré à Samarcande. Le Premier ministre Shavkat Mirziyoyev lui succède.

2018

Un souffle de libéralisation semble balayer l’Ouzbékistan, comme en témoignent l’ouverture des frontières avec le Tadjikistan et l’allègement des procédures d’obtention des visas.

Mis à jour le : 8 octobre 2019

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