Reportages

Tour du monde épisode 7 : Je perds le nord... mais arrive au sud !

© Elodie Rothan

Bolivie? Argentine? Paraguay? Ce fut la Colombie. Thaïlande? Égypte? Kenya ? Tu veux quoi? J’ai dans ma tambouille la Namibie et le Laos, les temples d’Angkor et la plaine du Serengeti. Nous ne savons jamais où no­us serons le mois suivant. Le Covid nous a ôté les certitudes, les programmes bien ficelés. Jusqu’au dernier moment, nous ne sommes pas sûrs d’atteindre la destination voulue. Nous lançons des options à tout va, nous refaisons le globe trois fois, nous errons sur les cartes et les forums comme des vagabonds d’un nouveau temps.Les dés tombèrent sur l’Afrique du Sud. Encore un imprévu total. Le pays n’était même pas sur la «liste de nos envies». Mais nous y arrivons avec l’immense privilège d’être accompagnés d’amis. Après eux, une partie de la famille nous rejoindra à son tour, risquant des plans de dernière minute. Retrouver des personnes chères au milieu du périple est une véritable bulle de bonheur. Tout devient joyeux et léger. Ils ont un temps limité sur place et regorgent d’énergie pour profiter de chaque journée. Ils reboostent nos batteries mises à mal par 3 mois de voyage itinérant.

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Elodie Rothan
A peine débarqués à Johannesburg, nous entassons tous les enfants dans un grand van et filonsen directiondu Kruger National Park. L’œil rivé sur le volant, conduite à gauche oblige, nous restons concentrés, fatigués par 12 heures de vol. Aguerris par d’innombrables avertissements sur la dangerosité de certains lieux, nous sommes sur le qui-vive. La route est longue. La nuit tombe. Nous ne trouvons pas notre guesthouse et, contactée par téléphone, la propriétaire nous répond dans une langue que nous peinons à reconnaître. Sa logorrhée sans fin est tout simplement incompréhensible. Partagés entre fous rires et épuisement, nous avançons, à tâtons, sur une route qui n’en finit plus, au milieu de faubourgs obscurs, plongés dans le noir. Il y a apparemment une coupure générale d’électricité. Brusquement, se découpe une masse gigantesque: la silhouette d’un énorme camion transportant de massifs troncs d’arbres est tanquée en travers de la route. Il nous barre le passage. Nous hésitons, un instant. Un type surgit de l’engin et s’approche. Dans nos têtes se déroulent divers scénarios catastrophes, guet-apens compris. Mais l’un de nous, plus confiant que les autres, sort à sa rencontre. Le visage de l’homme s’éclaire d’un sourire. Ce n’est rien, ce n’est qu’un camion coincé. Nous passerons sans encombre sur le bas-côté.En Afrique du Sud, les barrières sont partout. Murs, grillages, barbelés, clôtures électriques... Les quartiers aisés ressemblent tellement à des prisons que l’on ne sait plus trop de quel côté se situe le privilège. Sur certaines routes, des panneaux «Crime scene, don’t stop» sont là pour vous rassurer. Dans les campagnes, dans les villages, le concours de protection se poursuit. Sont-ils érigés envers les hommes ou les animaux? Sur les bords – ou en plein milieu – des chemins débarquent des troupeaux de vaches, des groupes de singes. Avant ce voyage, l’histoire complexe et controversée de l’Afrique du Sud ne m’inspirait pas grand chose. Mais, sans entrer dans les méandres de la politique et de la sociologie, ce qui, au final, me frappe le plus, une fois sur place, tient dans une réflexion tirée de mon excellent guide Lonely Planet (!): ce qui unit, par-dessus tout, noirs et blancs, c’est l’amour de leur terre, la terre rouge et sauvage d’Afrique. Elle se déploie sous nos yeux, brillants de tant de beauté.Nous pénétrons enfin le Kruger National Park. Comment raconter? Comment décrire l’émerveillement des enfants, et le nôtre, lorsque surgissent à deux pas l’énorme masse d’un éléphant, la hauteur tranquille d’une girafe, les rayures sublimes des zèbres?
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Nos yeux et tous nos sens s’abreuvent d’un spectacle que seule la nature sauvage peut donner. L’excitation de pouvoir rencontrer, à chaque instant, un rhinocéros, un lion ou un léopard, nous étire dans un temps qui n’en finit plus. Les heures passées en voiture fondent comme neige au soleil. Les enfants sont debout, prêts, enthousiastes, à 5 heures du matin. Nous assistons, muets, à la traversée d’une rivière par une famille d’éléphants, nous admirons l’élégance singulière des zèbres, nous émerveillons devant l’agilité des antilopes, nous faisons surprendre par la traversée tonitruante d’un rhinocéros (sans corne) et nous figeons devant le passage de trois lionnes, royales, qui nous dédaignent avec panache.
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Et puis, au Kruger, les "Sud'Af" sont quand même des types épatants. Ils ont des airs de cowboy du XXIe siècle, posés dans leur 4x4 rutilants, une sorte d'assurance figée sur les lèvres. Ils pourraient avoir un cigare que ça ne dénoterait pas. Avec eux, on se prête avec plaisir à la pratique, courante là bas, de s'arrêter pour échanger : quels animaux sont visibles, où se situent-t-ils... C'est ainsi que l'on a pu observer deux lions dormant dans les herbes à 2 mètres de la route, absolument invisibles au premier regard.
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Naïfs, nous sommes fiers un jour d'annoncer à notre tour avoir suivi trois lionnes prêtes à chasser."- Oh ! These lions, I saw them yesterday !", nous répond le Sud’Af d’un air détaché («Oh, ces lionnes, je les ai déjà vues hier!»). Nous le regardons, déconcertés. Il repart et nous éclatons de rire. On ne nous y reprendra plus. Ou presque. Alors que nous suivons un troupeau d'éléphants, hésitants quant à la conduite à tenir, arrive un autre 4x4. Nous expliquons la situation et le type (il a vraiment un cigare, cette fois) s'exclame : "Great !" puis, dans un même geste, nous fait subitement faux bond par une marche arrière. Un peu plus tard, nous le recroisons par hasard à la station essence. D'un aplomb total, il s'approche, les traits fins, cheveux grisonnants, l'air à peine gêné et nous raconte qu'en réalité il avait déjà vu beaucoup trop d'éléphants le matin même!Un soir, dans l’atmosphère feutrée d’un lodge privé, nous oublions ce qui nous entoure. Le lodge n’est pas clôturé et les animaux vont et viennent à leur guise. A la nuit tombée, la règle est claire: ne pas laisser les enfants gambader et bien vérifier les alentours avec une puissante lampe torche. La soirée a été gaie, légèrement arrosée et nous rentrons, guillerets, à notre chambre. Les enfants courent devant. Je fais un tour de lampe, plus par automatisme qu’autre chose, et soudain, j’aperçois dans l’obscurité une silhouette dont les yeux fixent les enfants. Je n’arrive pas immédiatement à l’identifier. «C’est un impala», me dis-je... Puis: «Non, ce n’est pas possible...Un phacochère?». «Non plus. Le visage est allongé, mais...». D’un coup l’animal se meutet l’évidence nous frappe: «c’est un félin». Nos sangs se glacent. Les enfants ont heureusement déjà stoppé net et le caracal (nous l’avons désormais bien identifié!) s’est déjà enfui.
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Nous arrivons en eSwatini. Alors que nous remplissons les longues formalités au bureau de l’immigration, nous apercevons, par les vitres arrière, une file continue de gens portant paquets, animaux, sacs en tout genre et traversant la frontière à pied, dans le dos des douaniers, qui ne cillent absolument pas. Après quelques kilomètres, une pause nourricière s’impose. L’unique gargote que l’on dégote, au bord de la route, est occupée par une dizaine de types, manifestement appliqués à passer leur dimanche à ingurgiter un maximum d’alcool, tout en écoutant la musique à fond. Là encore, nous hésitons un peu. Mais les enfants ont faim, et cette urgence dépasse toutes les règles de prudence. Les types rodent autour de notre table, tentent de s’approcher, respectent tout de même les enfants (en vérité, en voyage, les enfants sont de véritables boucliers de sécurité). Notre ami, Jérémy, sort alors sa cigarette électronique. Stupéfaction générale! Ils ont bien cru que c’était une drogue dernier cri d’Europe ! Même si ce n’est pas le cas, la glace est brisée. Nous finirons le déjeuner avec force accolades, démonstration de danse et fraternité grisée.Les jours passent et la lassitude ne vient pas. Nous poursuivons notre traversée de territoires protégés, jusqu’aux parcs Hluhluwe-Umfolozi et iSimangaliso. Rhinocéros, singes, zèbres, buffles, éléphants, hippopotames... Chaque rencontre demeure captivante. Petit à petit, une autre lassitude, plus étrange, émerge : celle de devoir, à chaque fois, traverser une clôture grillagée pour pénétrer ce monde sauvage. Dans lequel, une fois entrés, nous nous trouvons enfermés dans notre voiture. A nos oreilles arrive alors l’existence d’un lieu à part, où les animaux vivent en liberté: le Botswana. Dans mon imaginaire, ce pays avait toujours figuré comme une destination merveilleuse mais je n’avais pas saisi, à vrai dire, sa spécificité. Plus nous nous renseignons, plus notre fascination croît. Le projet d'aller l'explorer se dessine peu à peu. L’idée serait de louer un 4x4 équipé de tentes sur le toit. Nous cherchons des informations, des témoignages, nous sommes à la fois enthousiastes et remplis de questions.
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« -Mais vous êtes des malades! Le Botswana c’est le bush, on n’y part pas comme ça!»Voici en substance l’un des premiers avis (professionnels) récoltés. Un peu circonspects, nous décidons tout de même de poursuivre notre investigation. Les autres avis ne seront pas énormément plus enthousiastes, quoique plus modérés dans leur formulation. Nécessité d’un téléphone satellite, assistance 24h/24h, hébergements complets six mois à l’avance, parcs nationaux hyper complexes à réserver, vigilance constante envers les enfants, enlisement du 4x4, changements de roue, mécanique avancée, GPS avec cartes adaptées... L’inventaire d’obstacles divers ne cesse de s’alourdir. En détaillant la liste, je me demande comment nous avons décidé de tenter l’aventure. Mais nous l'avons tentée.Car la peur, souvent, intervient avant. Avant le voyage, avant l’arrivée. Lima? Une capitale où vous vous ferez détrousser au premier coin de rue. Johannesburg? Si quelqu’un vous approche, de nuit, grillez le feu rouge et foncez. La crainte provient de conseils et d’avertissements – souvent avisés – que l’on vous donne pour éviter les dangers (à nouveau, réels). La découverte d’un danger possible a tendance à se métamorphoser en peur. La peur grossit, gonfle, s’alimente à mesure que les informations s’accumulent (qui peuvent devenir massives si l’on se met à creuser le sujet, car il existe des informations massives sur à peu près tous les sujets).Le voyage est un risque. La vie est un risque. Si nous ne le prenons pas, nous cessons de vivre. Vivre dans la peur revient à vivre en enfer. Le voyage aide à se défaire de ses peurs. Parce que, le plus souvent, elles s’évaporent d’elles-mêmes. Plus nous avançons dans ce voyage, plus nos peurs s’estompent. Le risque est toujours présent (une maladie, un accident, une mauvaise rencontre...) mais il n’est pas, finalement, tellement plus grand qu’ailleurs. Par contre, à force de nous confronter à nos peurs et de les voir disparaître, nous prenons confiance. Confiance en nous et en l’autre.

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