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Publié le 21/11/2017 7 minutes de lecture
Les visiteurs débarquant à Détroit en s’attendant à un décor vide et faux seront surpris de ce qu’ils y trouveront. Après des années de baisse de la population, et après avoir touché le fond en 2013 avec son insolvabilité officielle, Détroit n’a désormais plus de dettes. Des piétons arpentent le centre ville autrefois désert, des bars ambulants parcourent les rues et les grues emplissent son horizon : on y a investi plus de 24 milliards de dollars dans des projets commerciaux ou résidentiels depuis 2006. Et Détroit termine ainsi à la deuxième place de notre classement des villes à découvrir absolument en 2018 ! Mais Détroit n’est pas qu’une ville-champignon : la plus grande ville du Michigan a une histoire riche et complexe de plus de trois siècles, siège de l’industrie automobile et de la Motown. Ceux qui investissent en ville respectent dans leur grande majorité cet héritage en choisissant de restaurer plutôt que de remplacer, faisant le pari que la dépense supplémentaire d’une rénovation donnera en retour un surplus de cachet. Leurs efforts complètent ceux des fidèles qui n’ont jamais abandonné la ville, et amplifient la voix unique de la Motor City. Non seulement il y a plus de choses à faire que jamais à Détroit, mais on peut manger, dormir et se divertir dans des lieux qui étaient des ruines il y a seulement quelques années. Découvrez la nouvelle Détroit, le projet de rénovation le plus ambitieux des États-Unis.
Hôtels historiques
Si vous cherchez un endroit unique pour dormir à Detroit, les choix sont nombreux – et de plus en plus chaque jour. Aloft a apporté modernité et style au David Whitney Building, dans Park Avenue. Bâti en 1915, ce bâtiment néo-Renaissance est resté vide durant vingt ans. Aujourd’hui, les ors du hall brillent de nouveau après une restauration à 92 millions de dollars. Un peu plus loin, Westin a restauré le Book Cadillac, qui était à sa construction en 1924 le plus haut hôtel du monde. Le tout dernier de cette liste est le Detroit Foundation Hotel, qui a ouvert en mai 2017. Il est situé dans un bâtiment de 1929 qui était le siège de la brigade des pompiers de Détroit, et les hautes portes rouges qui permettaient aux camions d’entrer et de sortir y sont toujours, quoique fraîchement repeintes. Boutique-hôtel de seulement 100 chambres, le Detroit Foundation parvient à proposer aux clients des espaces confortables tout en préservant le charme du bâtiment. Les sols de marbre et de mosaïques des cinq niveaux sont d’origine, tout comme les briques vernies et les trois perches de feu qui ornent l’Apparatus Room, le bar-restaurant de l’hôtel, qui était autrefois le garage de la brigade. S’ils sont bien conservés, ces traits d’origine laissent parfois voir leur âge, ce qui donne au lieu une patine impossible à recréer.
“On ne fait tout bonnement plus d’immeubles comme celui-ci, et il aurait vraiment été dommage d’en supprimer les sols, les moulures, le marbre, etc., d’origine”, dit Emily Childers, directrice des ventes de l’hôtel, qui fait partie des nombreux citoyens du Michigan qui sont revenus à Détroit avec la résurrection de la ville. “Nous avons aussi gardé tous ces éléments par respect envers tous ceux qui ont travaillé dans ce bâtiment pendant tant d’années.” Des gens qui habitent la ville depuis longtemps viennent parfois demander à le visiter, et Emily Childers dit qu’ils en reconnaissent suffisamment d’éléments pour que les souvenirs leur reviennent. Trois autres bâtiments historiques du centre ville vont ouvrir à la clientèle en 2018. La marque Shinola, célèbre pour ses vélos, ses articles de cuir et ses montres, ouvrira son premier hôtel dans un gratte-ciel couleur brique de Woodward Ave à l’automne. The Siren Hotel, hôtel “classique” avec sept bars et restaurants, reprendra le Wurlitzer Building en janvier. Et on a commencé à rénover pour 32 millions de dollars le bâtiment du Metropolitan, de 1925, vide depuis si longtemps qu’on a dû ôter un arbre de 4 m de haut de son toit. Il deviendra le premier hôtel de la ville fait pour des séjours prolongés, l’Element Detroit.Boire et manger à Détroit
Les hôtels ne sont pas les seuls acteurs de la restauration de la ville. Si vous sortez manger ou boire à Détroit ces temps-ci, il y a de bonnes chances que vous vous retrouviez dans un décor historique. Ainsi, les restaurants de Corktown, le plus ancien quartier de la ville, avec des enseignes comme Slows Bar BQ ou le Sugar House occupent des rangées de petites maisons colorées. Non loin, Gold Cash Gold tire son nom du commerce précédent, une boutique de prêt sur gage.
Au Grand Trunk Pub, dans le centre, on peut siroter sa pinte sous le plafond voûté et mouluré de ce qui était la billetterie des chemins de fer de la Grand Trunk. Le Baker’s Keyboard Lounge, plus ancien club de jazz toujours en activité de la ville, arbore un énorme bar du début du XXe siècle qui ressemble à un clavier de piano. Mais une des renaissances les plus spectaculaires de Détroit est celle du GAR Building (abréviation de Grand Army of the Republic), semblable à un fort avec ses tourelles. En entrant dans un des restaurants du rez-de-chaussée, le gai Parks & Rec Diner ou le somptueux Republic Tavern, presque victorien, on a peine à croire que l’immeuble est resté 30 ans muré de planches en contre-plaqué, fréquenté uniquement par les vagabonds et les pigeons. Construit pour être un club pour les soldats de l’Union en 1898, ce bâtiment gothique est un des monuments les plus caractéristiques de Détroit. Après le décès du dernier vétéran de la Guerre Civile, il a abrité le service des parcs et espaces verts de la ville jusqu’à sa fermeture dans les années 1980. Malgré son inscription au registre national des monuments historiques en 1986, on s’est inquiété de savoir s’il pouvait être réhabilité tout en rendant honneur à son histoire. La ville l’a finalement mis en vente au début des années 2000. Après plusieurs batailles juridiques et de féroces négociations, trois natifs de Détroit – les frères David et Tom Carleton et leur associé, Sean Emery – en devinrent les maîtres en 2011. Il a fallu quatre ans pour ressusciter le bâtiment laissé si longtemps à l’abandon, couvert de fientes de pigeons. “Nous avons gardé tout ce qu’il était possible de garder, dit David Carleton. Nous voulions en faire un lieu qu’un vétéran de la Guerre Civile puisse retrouver tel qu’il avait été construit, si jamais l’un d’eux en franchissait le seuil.” Chaque restaurant rend hommage à une partie du passé de ce bâtiment : le Republic propose une carte riche en viandes et en whiskies qu’un vétéran des débuts de l’immeuble aurait apprécié, le Parks & Rec est parfait pour un brunch, avec des produits de saison. Au deuxième niveau, un espace événementiel, le Castle Hall. Les deux étages supérieurs – qui abritaient autrefois un théâtre – accueillent maintenant Mindfield USA, une société de services numériques dirigée par les frères Carleton. Une grande fenêtre en demi-lune avec ses vitres d’origine donne sur le tout nouvel espace vert de Détroit, Beacon Park, qui accueille souvent des concerts et des cuisines de rue l’été.Une pièce de l’histoire automobile fait son retour
Si vous avez vu des images des “ruines” de Détroit (ou le film "Transformers"), vous avez vu l’usine Packard. Ce vaste site de 325 000 m2 conçu par Albert Kahn en 1903, a vu produire pendant plus de cinquante ans des automobiles de luxe et même des avions. Mais les fermetures dues à la guerre, les goûts nouveaux des clients et la fusion avec Studebaker ont affaibli la compagnie qui, en 1958, revendit le lieu à Chemical Processing. À la fin des années 1990, il était presqu’entièrement abandonné, paradis des artistes de graffitis, des ferrailleurs et des photographes en quête de ruines à mitrailler.
Jusqu’à l’arrivée de Fernando Palazuelo, investisseur péruvien d’Arte Express, qui a mené la rénovation de plus de 300 bâtiments dans le monde entier. Arte a racheté 232 000 m2 du site en 2013, et les rénove lentement depuis. S’il faudra au moins dix ans (et autour de 420 millions de dollars) pour restaurer entièrement l’usine Packard, la première phase du projet, un ensemble de bureaux, sera achevée à l’automne 2019. Huit sociétés se sont déjà engagées à louer des espaces dans le bâtiment qu’occupaient autrefois la direction et les services comptables de Packard. Une école technique et un restaurant de grillades devraient être les étapes suivantes. Arte Express s’est associé avec Pure Detroit pour permettre des visites guidées du site, certains samedis ; ces visites se poursuivront en même temps que la rénovation, même si leurs itinéraires pourront varier.Les sports sont rois dans le District de Détroit
Les premiers quartiers du centre de Détroit à avoir vraiment changé sont Downtown et Midtown. Entre les deux, celui de District abritait le Fox Theater, festonné de néons, et le Comerica Park, le stade des Detroit Tigers, mais presque rien d’autre. Olympia Entertainment, propriété de la famille Illitch (les fast-foods Little Caesars) y vit une ouverture. Ils allaient construire une grande salle qui attirerait les gens des quartiers voisins, un complexe sportif sans égal aux États-Unis. Avec l’achèvement de la Little Caesars Arena, qui accueille les Red Wings (Hockey sur glace) et les Pistons (Basket), Détroit est la seule ville du pays ayant des équipes dans chacun des quatre sports majeurs qui jouent en plein centre-ville, à quelques rues seulement les unes des autres.
La salle est entourée de petits bâtiments abritant des commerces de détail et des espaces de bureaux à l’étage. Les parvis de la salle couvrent le périmètre intérieur de ces commerces, un espace baptisé la Via. Un toit transparent reliant la salle à ces bâtiments périphériques fait de cette Via un lieu agréable, couvert, avec quelques tables de restaurant en extérieur. Un écran géant entourant tout le mur extérieur de la salle permet de ne rien manquer du spectacle ou du match qui se déroule à l’intérieur. L'Arena a suscité un grand intérêt : les premiers concerts ont affiché complet, et les loges d’entreprise ont toutes trouvé preneur en moins de 40 jours. Les résidents, anciens ou actuels, de Détroit sautent sur l’occasion d’aider à la renaissance de la ville. “ Beaucoup de gens ont dit qu’ils ne pensaient pas que Détroit se relèverait un jour, mais si cela arrive, je veux y prendre part”, a déclaré le P.-D.G. d’Olympia Entertainment, Tom Wilson. Trisha Ping s’est rendue à Détroit avec l’aide de VisitDetroit. Les auteurs de Lonely Planet n’acceptent aucun avantage en échange d’un article positif.Traduit par : Vincent Guilluy