Kirghizistan : Histoire

Chronologie du Kirghizstan

Les premiers habitants connus de l’actuel Kirghizstan furent les guerriers Saka (scythes). De précieux objets en bronze et en or ont été découverts dans des tumulus funéraires datant d’une période située entre le VIe siècle et le Ve siècle après J.-C. Plus tard, la région passa sous le contrôle de diverses alliances turques. Une importante population vivait alors sur les berges du lac Issyk-Koul. La vallée de Talas fut le terrain d’une bataille décisive en 751, lorsque les Turcs et leurs alliés arabes et tibétains chassèrent d’Asie centrale la puissante armée chinoise des Tang.La dynastie des Karakhanides régna du IXe au XIe siècle. Elle généralisa la pratique de l’islam dans la région à partir de plusieurs villes dont Balasagun (site de la tour Bourana) et Özgön (Ouzgen), à la limite de la vallée de Fergana (territoire fertile partagé entre l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan).Les ancêtres des Kirghiz ont probablement résidé en Sibérie, dans le haut bassin de l’Ienisseï, jusqu’au Xe siècle au moins. Puis, à cause des invasions mongoles, ils se déplacèrent au sud, dans les Tian Shan. Les conquêtes de Gengis Khan, au XIIIe siècle, intensifièrent cette migration. L’actuel Kirghizstan faisait partie de l’héritage de son second fils, Djaghataï. En 1685, l’arrivée des Mongols Oïrats de l’empire dzoungare repoussa les Kirghiz vers les régions du Fergana, du Pamir Alaï et de l’actuel Tadjikistan. La victoire des Mandchous (dynastie Qing) sur les Oïrats, en 1758, transforma de facto les Kirghiz en sujets de l’empire du Milieu. L’empereur les laissa poursuivre leur mode de vie nomade.

L’occupation russe

Face à l’expansionnisme tsariste au XIXe siècle, plusieurs chefs de clans kirghiz pactisèrent avec la Russie et leur voisin du khanat de Kokand. Bichkek, qui se limitait alors au fort de Pichpek, capitula en 1862 devant une armée russo-kirghize. Les Kirghiz s’installèrent peu à peu dans les provinces tsaristes de Fergana et du Sémiretchié, suivis par des flux constants de colons russes. En 1916, en pleine Première Guerre mondiale, l’armée impériale russe tenta de “réquisitionner” les hommes kirghiz pour grossir les bataillons de travailleurs forcés. La révolte qui s’ensuivit, écrasée par l’armée, eut pour bilan 120 000 morts, soit un sixième de la population kirghize de l’Empire. Une portion similaire s’enfuit en Chine, dans un mouvement connu sous le nom d’urkun (exode). Minimisés par les autorités russes, ces événements n’ont toujours pas été reconnus officiellement par Moscou et ce, malgré la visite en 2016 du président Vladimir Poutine, venu déposer une couronne de fleurs au mémorial Ata-Beyit en commémoration du 100e anniversaire de l’exode. Après les révolutions russes, les terres kirghizes furent intégrées à la République socialiste soviétique autonome du Turkestan (au sein de la Fédération de Russie, en 1918). Elles devinrent une province autonome (l’oblast autonome kara-kirghiz) en 1924 puis en février 1926 une République autonome socialiste soviétique kirghize (RASS). Cette dernière prit le statut de véritable République socialiste soviétique en décembre 1936, la région étant connue comme la “Kirghizie soviétique”. Beaucoup de nomades furent sédentarisés de force au cours des réformes agraires des années 1920 ou pendant la cruelle campagne de collectivisation des années 1930. Cette situation attisa les rébellions menées par les basmatchi, insurgés musulmans. Une grande partie de la nouvelle élite kirghize fut tuée lors des purges staliniennes. Le lointain Kirghizstan représentait le lieu idéal pour l’extraction secrète du minerai d’uranium soviétique (à MayluuSuu au-dessus de la vallée de Fergana, à Min-Kouch dans l’intérieur des terres et à Kadji-Sai au bord du lac Issyk-Koul) et le développement industriel de l’armement naval (à l’extrémité orientale d’Issyk-Koul). Aujourd’hui, le pays est toujours confronté aux problèmes écologiques provoqués par les politiques de l’époque.

De lourds secrets soviétiques

La ville de Tchong-Tach, à 10 km du village de Kachka-Suu, a longtemps caché un lourd secret. Une nuit de 1938, pendant les grandes purges staliniennes, 137 intellectuels, artistes et politiciens kirghiz furent rassemblés ici et fusillés par le KGB. Leurs corps furent ensuite entassés dans un four à briques désaffecté. Dans les années 1980, le site fut transformé en station de ski et pratiquement personne ne semblait au courant des événements passés. Pourtant, un gardien, témoin du massacre et contraint au silence, le raconta à sa fille sur son lit de mort. Cette dernière attendit l’indépendance pour révéler le secret aux autorités.En 1991, les corps furent transférés de l’autre côté de la route, dans une sépulture collective surmontée du sobre mémorial Ata-Beyit. Les vestiges du four sont visibles, derrière une enceinte grillagée.

L’indépendance kirghize

En février 1990, l’élection du Soviet suprême (Parlement) kirghiz se déroula à la mode soviétique, le Parti communiste kirghiz remportant la quasi-totalité des sièges. À l’issue de multiples scrutins, le vote désigna comme chef de l’État un candidat de compromis, Askar Akaïev, physicien et président de l’Académie des sciences. Le 31 août 1991, le Parlement du Kirghizstan déclara à contrecœur l’indépendance de la République. Six semaines plus tard, Akaïev fut réélu président sans aucune opposition. Les questions de la terre et du logement furent à l’origine des plus terribles violences interethniques d’Asie centrale. En 1990, elles opposèrent Kirghiz et Ouzbeks dans la région d’Och et d’Özgön (Ouzgen), où la majorité ouzbèke s’était établie dans les années 1930. Elles firent 300 morts.Dès le début de son mandat, Akaïev s’illustra comme un réformateur opiniâtre. Il restructura l’appareil exécutif pour l’adapter au libéralisme politique et économique, et engagea des mesures considérées comme les plus radicales des républiques d’Asie centrale.À la fin des années 1990, le pays dut faire face à une nouvelle menace : celle des islamistes radicaux et du terrorisme. En 1999 et 2000, des militants du Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO, basé au Tadjikistan) enlevèrent plusieurs travailleurs et alpinistes étrangers dans la province de Batken. L’armée kirghize parvint à contenir la menace, tandis que les dirigeants du MIO furent tués par les bombes américaines en Afghanistan.

La révolution des Tulipes

Au début des années 2000, la démocratie kirghize fut une fois encore menacée par la corruption croissante, le népotisme et les troubles sociaux. Les élections parlementaires de 2005 furent marquées par des accusations de harcèlement et de censure gouvernementale. Les manifestants firent irruption dans les bâtiments officiels de Jalal-Abad, et l’agitation gagna bientôt Och et Bichkek. Le 24 mars, dans un climat relativement pacifique malgré des actes de violence et de vandalisme, la révolution des Tulipes renversa le gouvernement. Son nom vient de la promesse “de faire plier le président Akaïev avant l’éclosion des tulipes”. Le président Akaïev partit au Kazakhstan en hélicoptère, puis à Moscou ; pour finir, il démissionna et devint conférencier universitaire. De nouvelles élections présidentielles furent organisées en 2005 et remportées par Kourmanbek Bakiev, dirigeant de l’opposition et ancien Premier ministre.

L’ère Bakiev

Le premier mandat du président Bakiev ne fut pas de tout repos. L’ancien leader de l’opposition essuya très vite les mêmes critiques que celles qu’il avait opposées à son prédécesseur : corruption et abus de pouvoir. Les grandes manifestations de 2006 et 2007 le contraignirent à des concessions qui limitèrent le pouvoir présidentiel. Bakiev ne fut pas non plus en mesure de tenir sa promesse de préserver la paix et la sécurité : une vague d’assassinats de politiciens de haut rang, dont trois membres du Parlement, eut lieu à la fin des années 2000.Malgré les accusations largement répandues de fraude électorale et de censure des médias, Bakiev fut réélu en juillet 2009. Les électeurs, incapables de déloger Bakiev par le scrutin, revinrent à la bonne vieille méthode éprouvée pour renverser les dirigeants kirghiz : la révolution. Les 6 et 7 avril 2010, la foule des opposants se rassembla en masse à Talas et à Bichkek. Ce qui devait être une simple manifestation antigouvernementale tourna à l’émeute dans les deux villes. Les forces de l’ordre furent dépassées, et les manifestants prirent d’assaut les bâtiments gouvernementaux. Au final, les émeutes firent 88 morts et plus de 500 blessés.Bakiev s’enfuit d’abord dans le sud du Kirghizstan, puis au Kazakhstan et enfin en Biélorussie. L’opposition kirghize mit en place un gouvernement intérimaire dirigé par Roza Otounbaïeva. Le maintien de l’ordre devint aussitôt la priorité. De nombreux Kirghiz virent dans le renvoi de Bakiev une nouvelle positive pour la lutte contre la corruption, mais son départ entraîna également moult agitations dans le sud du pays, où les hommes politiques locaux percevaient ces changements comme un moyen d’affaiblir leur position. La tentative de prise de pouvoir par les partisans de Bakiev à Jalal-Abad, contrée par une milice locale constituée en partie d’hommes de la minorité ouzbèke, déboucha sur une série d’émeutes. Celles-ci culminèrent à Och en juin 2010, causant plus de 400 morts (dont 74% d’origine ouzbèke) et la fuite temporaire de plus de 100 000 membres de l’ethnie ouzbèke vers l’Ouzbékistan. Les circonstances exactes de ces émeutes restent très débattues.

630

Le pèlerin bouddhiste chinois Xuan Zang se rend en Inde via l’Issyk-Koul, Tachkent, Samarcande, Balkh et Bamiyan. En route, il visite la capitale d’été des Turcs bleus, Tokmok.

999-1211

Les Karakhanides turcs prennent le contrôle de la Transoxiane aux dépens des Samanides perses. Nasr ibn Ali, fondateur de la dynastie, est inhumé dans un mausolée à Özgön, dans la vallée de Fergana.

1635-1758

L’Empire dzoungarien (formé par les Oïrats ) terrorise le Kazakhstan, le Kirghizstan et la Chine. Les Oïrats sont finalement vaincu par la Chine mandchoue et le Kirghizstan passe sous domination chinoise.

1936

Les Républiques soviétiques kazakhes et kirghizes sont créées. La “grande purge” de Staline provoque l’arrestation et l’exécution de leaders politiques dans toute l’Union soviétique

1937

Dans le cadre des purges staliniennes, les membres du gouvernement soviétique kirghiz (140 personnes) sont fusillés et les corps sont jetés dans un four à briques de Tchong-Tach, non loin de Bichkek.

2005

Après les élections législatives des 27 février et 13 mars, dont les résultats sont contestés par l'opposition, des manifestations ont lieu pour réclamer la démission du chef de l'Etat. Le 24 mars, Askar Akaïev, à la tête de la république du Kirghizstan depuis l'indépendance du pays, en 1991, est renversé en une journée (révolution des Tulipes) et se réfugie à Moscou. Le peuple porte l'un de ses anciens premiers ministres, Kourmanbek Bakiev, au poste de président par intérim. L'homme promet notamment de mettre fin à la corruption qui gangrène le pays depuis de nombreuses années. Il sera élu le 10 juillet avec 88,92% des voix.

2006

L'opposition organise de nombreuses manifestations afin d'obtenir une réforme constitutionnelle qui réduirait les pouvoirs du président. Après une victoire de courte durée, une crise institutionnelle permet à celui-ci de retrouver son statut initial.

2007

Le 29 janvier, Azim Issabekov, ancien ministre de l’agriculture, est nommé Premier ministre.

2009

Malgré les accusations de fraude électorale et de censure des médias, Bakiev est réélu président en juillet.

2010

Les 6 et 7 avril, à Talas et à Bichkek, une manifestation antigouvernementale tourne à l’émeute. Les forces de l’ordre sont dépassées, et les manifestants prennent d’assaut les bâtiments gouvernementaux. Au final, les émeutes font 88 morts et plus de 500 blessés. Bakiev s’enfuit, et l’opposition kirghize met en place un gouvernement intérimaire dirigé par Roza Otounbaïeva. Le 19 mai, des tensions éclatent dans une université privée de Jalal-Abad, où les violences entre Ouzbeks et Kirghiz font 2 morts et d’innombrables blessés. Le 9 juin, les tensions interethniques embrasent les rues d’Och et de nouveau celles de Jalal-Abad. Après cinq jours d’émeutes, on recense près de 200 morts et quelque 200 000 déplacés, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées. L’Ouzbékistan autorise la moitié de ces réfugiés à franchir ses frontières avant de les fermer. Le gouvernement intérimaire de Bichkek, perd le contrôle d’Och et réclame l’aide de la communauté internationale. Les violences se sont tues, mais la situation reste tendue, et des milliers de réfugiés cherchent encore asile à la frontière.

2014

Pour leur retrait d’Afghanistan, les soldats américains et ceux de l’OTAN durent convoyer 70 000 véhicules et 120 000 conteneurs à travers l’Asie centrale.

2017

Des cinq états indépendants de l’URSS en 1991, seul le Kirghizstan a choisi la voie démocratique : en 2017, des élections présidentielles ont validé la bonne marche des institutions du pays.

Mis à jour le : 7 octobre 2019

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