Récit d'un voyage sur le fleuve Tsiribihina à Madagascar

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Madagascar : au fil du fleuve Tsiribihina

© Elodie Rothan

Traversant l’ouest malgache jusqu’au canal du Mozambique, la Tsiribihina nous invite à un lent voyage : 145 km de descente à bord d’un chaland ou d’une pirogue. Durant quelques jours, on se laisse bercer par le rythme du fleuve. Récit d’un périple en eaux sauvages.

Une expédition sur le fleuve Tsiribihina

À Madagascar, il n’est pas forcément besoin de sortir des sentiers battus pour ressentir une sensation de dépaysement… Sur l’Île Rouge, la découverte peut rapidement se transformer en expédition. Alors, la Tsiribihina a beau être un « classique » à l’itinéraire rodé, sa descente n’en demeure pas moins une extraordinaire aventure.

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L’embarquement a lieu au matin, près de Miandrivazo.
L’embarquement a lieu au matin, près de Miandrivazo. Elodie Rothan

Le rendez-vous pour l’embarquement est donné près de Miandrivazo. Mais pas exactement. Il peut se situer n’importe où entre Ampieky et Masekapy – et son accès nécessite un robuste 4x4. Oubliez tout de suite les images de petit port bien affrété. Les rivières malgaches sont libres de toute contrainte bâtie et fluctuent à leur gré. Le circuit n’est d’ailleurs envisageable qu’en période de saison sèche, en général d’avril jusqu’à novembre. Sur ce lit mouvant, point d’embarcadère.

A notre arrivée sur le rivage, des grappes d’enfants rieurs nous encerclent. Heureux de l’animation, ils nous tournent autour et entament la discussion avec forts éclats de rires. Notre embarcation nous attend près de là. Pour cette fois, ce sera un solide chaland, agrémenté d’un pont supérieur et de vastes banquettes ombragées en-dessous. Sacs sur la tête, pantalons retroussés et sourires en coin, nous réussissons tant bien que mal à monter à bord.

Nous voici parti pour trois jours de navigation. Pour admirer la vue (et s’éloigner du bruit du moteur), direction le pont supérieur. La vitesse apporte une brise légère. Les berges redeviennent silencieuses. Ici ou là percent les cris d’un canard siffleur ou d’un héron. Les ondes aux teintes rougeoyantes sont parfois ridées d’un saut de crocodile, fuyant notre passage. L’occasion de se remémorer que Tsiribihina signifie « où l’on ne plonge pas ». Les frondaisons verdoyantes signalent que la saison sèche n’en est qu’à ses début. Quelques silhouettes majestueuses de baobabs surplombent la canopée. Il faudra du temps pour s’accorder au tempo des flots, prendre part à la lenteur, savourer l’instant.

Notre périple est jalonné d’escales. L’une d’elle nous amène à Anosinampela : sous la jungle se découvre cette magnifique cascade, dont les eaux translucides s’attardent dans de superbes vasques cristallines. La baignade y est un enchantement. Un groupe de lémuriens joueurs grimpent aux arbres alentours. 

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Le couchant déploie sa palette de couleurs somptueuses.
Le couchant déploie sa palette de couleurs somptueuses. Elodie Rothan

Avant la tombée de l’obscurité (qui survient tôt à Madagascar !), nous nous mettons en quête d’une zone de bivouac. Elle est choisie avec soin, le long d’un banc de sable. Nous profitons de la fraîcheur du soir, tandis que l’équipage nous concocte un dîner parfait. Le couchant déploie sa palette de couleurs somptueuses. La nuit sera bercée de lointain.

Les matins, aussi, sont un délice de Robinson. Les journées glissent, limpides, tandis que nous pénétrons plus avant cette contrée reculée.

Nous faisons alors halte dans un village : pour ses habitants, le fleuve constitue la seule voie de communication. Bien sûr, une foule d’enfants s’empressent autour de nous, curieux de voir ces vazaha – ces étrangers à la peau blanche. De modestes bicoques, une poignée de magasins maigrement achalandés, des rues terreuses, une école, un terrain de foot. Et une vitalité incroyable. La chaleur humaine explose comme un feu d’artifice. 

Nous larguons à nouveau les amarres et retrouvons le calme de la Tsiribihina. Au crépuscule, les rives étincellent d’argent. Une barque de pêcheur accoste, quelques femmes altières passent, au port de reine. Au coin du feu allumé sur la plage, nous apprécions le moment, sûrs d’être ici parvenus loin, très loin.

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La croisière est ponctuée de haltes dans des villages reculés.
La croisière est ponctuée de haltes dans des villages reculés. Elodie Rothan

Puis, des villageois nous rejoignent, sortis de nulle part. Leurs maisons, en réalité, se dressent juste à l’arrière des feuillages. En plissant les yeux, je distingue en effet leurs cahutes en bois, dont les façades se fondent complètement dans le décor. Ici, l’architecture n’est pas un geste, elle est harmonie totale avec l’environnement. Ils feront pour nous quelques danses et chanteront à l’unisson des chants que je ne comprends pas. 

Nous atteignons Belo-sur-Tisibihina dans la matinée. Déjà. La jetée en béton semble presque saugrenue. Le temps qui vient de s’écouler n’a pas de mesure. Il s’est suspendu. Nous débarquons à terre avec, en tête, la prochaine destination : les célèbres Tsingy de Bemaraha. En lançant un dernier regard sur les eaux troubles de la Tsiribihina, je lui murmure que, peut-être, je reviendrai.

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la descente dure trois jours en chaland et 5 jours en pirogue.
La descente dure trois jours en chaland et 5 jours en pirogue. Elodie Rothan

Une croisière sur le fleuve Tsiribihina : le guide pratique

La descente de la rivière peut s’effectuer soit à bord d’un chaland, soit à bord d’une pirogue. Chacune de ces embarcations a ses avantages et ses inconvénients : les pirogues évoluent au plus près de la nature, dans le seul bruit des pagaies, tandis que les chalands (embarcations à fond plat motorisées), sont plus confortables, mais plus bruyants. Dans les deux options, vous bivouaquerez en tente sur les rives sableuses de la rivière. 

L’embarquement a lieu au matin, près de Miandrivazo : un 4x4 est nécessaire pour accéder à l’embarcadère. Le terminus est le village de Belo-sur-Tsiribihina. En général, la descente dure trois jours en chaland et 5 jours en pirogue – ce qui peut être ramené à trois jours en s’arrêtant 40 km avant, auquel cas un transfert en 4x4 aura été organisé en amont.

Des problèmes de sécurité ont autrefois entaché la réputation de la Tsiribihina, mais ils semblent résolus à l’heure où nous écrivons ces lignes (vous apercevrez peut-être des militaires armés qui sécurisent discrètement la zone). 

La majorité des tour-opérateurs de la capitale proposent des descentes de la Tsiribihina. Une association des guides piroguiers agréés a récemment été créée et vous devriez trouver leurs contacts affichés dans les hôtels de Miandrivazo. Vous pouvez contacter Nata Andrianaivosoa, de Mada Chaland, un guide fiable qui organise des circuits en chaland et en pirogue. Nous avons effectué ce reportage en rejoignant un groupe de Nomade Aventure.

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