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Publié le 29/01/2020 5 minutes de lecture
L’époque où on montait à dos d’éléphants et où on allait faire du bénévolat dans une nurserie pour tortues est bel et bien révolue. Des recherches ont en effet révélé que derrière ces activités touristiques, certes bien intentionnées et en plein essor il y a encore dix ans, se dissimulaient souvent en réalité de mauvaises pratiques et/ou des retombées minimes sur le plan scientifique. Fort heureusement, nombre de tour-opérateurs et de projets de conservation ont amélioré leurs politiques et ne proposent plus ce type d’expériences. Pour autant, la tendance actuelle au greenwashing, qui consiste à faire croire à l’aide d’allégations mensongères qu’un circuit ou un produit est plus éthique qu’il n’y paraît, complique la donne lorsqu’il s’agit de faire les bons choix. Justin Francis, fondateur et PDG de l’entreprise militante Responsible Travel, conseille aux voyageurs de demander aux organisateurs si les habitants des localités environnantes ont bénéficié d’une formation leur permettant de travailler dans le tourisme, et si votre tour-opérateur finance directement le projet de conservation en question. Il suggère également aux personnes en quête d’un tel projet de demander à lire les rapports de recherche relatifs à l’avancée des efforts de conservation. Leur publication par une entité indépendante constitue déjà un point positif.
Chaque choix compte
Aujourd’hui, le fait de choisir tel tour-opérateur ou telle destination constitue une forme d’acte politique. Nos décisions indiquent en effet aux pays concernés, les zones ayant un intérêt à être protégées et capables, via leurs activités touristiques, de générer des revenus équivalents à ceux qu’auraient produits des investissements dans les secteurs industriels et agricoles. Les projets de surveillance et de protection des jaguars dans les zones humides du Pantanal au Brésil sont à ce titre l’un des exemples les plus parlants de la force de frappe de nos décisions, surtout lorsque l’on sait que les feux qui ont ravagé la forêt amazonienne en 2019 pourraient bien avoir été initiés intentionnellement à la demande du président Jair Bolsonaro afin d’y créer des parcelles cultivables, jugées plus rémunératrices que les zones boisées.Rainbow Tours, par exemple, travaille en partenariat avec le Caiman Ecological Refuge, un ranch d’élevage de bétail qui accueille les voyageurs dans deux écolodges et mène parallèlement un projet de conservation des jaguars (Onçafari) reconnu sur le plan international. Premier du genre en Amérique du Sud, Onçafari œuvre à la réintroduction du félin dans la nature, évalue la santé et les comportements de l’animal, et sensibilise la population locale à l’espèce par le biais de conférences, d’activités sur le terrain, de documentaires et d’évènements. Choisir une destination dans des régions qui ont besoin de visiteurs pour soutenir leurs travaux de protection de la biodiversité et ainsi empêcher que leurs terres soient acquises à d’autres fins s’avère donc particulièrement utile.
Faire partie de la solution
Si vous préférez aller davantage sur le terrain, plusieurs possibilités s’offrent à vous. La compagnie Adventure Creators propose depuis peu, par exemple, un circuit en camping sauvage «zéro déchet» pour suivre la trace des ours bruns dans les Pyrénées. Accompagnés d’un guide expert, les participants partent à la recherche des empreintes et des excréments d’ours ou encore des poils qu’ils ont laissés sur les troncs d’arbre afin de suivre à la trace leurs déplacements dans cet environnement montagneux et, bien entendu, dans l’espoir de les apercevoir et de les photographier. Les données sont ensuite transmises aux autorités en charge de la faune locale en vue de les aider à surveiller la population d’ours, autrefois en déclin à cause de la chasse.À l’extrême inverse sur l’échelle du confort, en Colombie-Britannique, le Clayoquot Wilderness Resort –membre de Relais&Châteaux et situé à la pointe de la Réserve de biosphère de Clayoquot Sound reconnue par l’Unesco–a lancé le projet «Coastal Ambassador Program», qui permet à ses hôtes de participer à la restauration des habitats sauvages à Clayoquot Sound, notamment en ramassant les débris marins et en aidant à préserver les sites de reproduction et de nidification. Une partie des frais de séjour est reversée à l’organisation Clayoquot Cleanup qui vise à nettoyer l’environnement marin local de ses déchets.
Des projets qui impliquent la communauté locale
Pour être durables, les projets de conservation doivent impliquer la communauté locale. Pour Francis, vos vacances peuvent contribuer à la conservation en générant des moyens de subsistance pour la population locale qui, du fait de la mise en place de programmes de protection de la vie sauvage sur leurs terres, n’ont pas pu bénéficier d’autres projets à visée économique comme l’aménagement du territoire, l’agriculture intensive ou l’exploitation forestière. Ainsi, Tswalu, la plus grande réserve animalière privée d’Afrique du Sud, reconnaît que les peuples autochtones du bassin du Kalahari sont essentiels pour relever les défis du pays liés à la conservation. La réserve propose donc des formations et des emplois aux personnes indigènes issues des campements environnants, leur permettant ainsi de poursuivre une carrière tout en étant utile, et de bénéficier d’un meilleur accès à la santé et l’éducation. Lors de leur visite, les voyageurs sont invités à interagir avec les chercheurs et peuvent observer les travaux de conservation en cours.
Une immersion totale pour garantir une aide à long terme
Certains projets ont opté pour une approche différente, en proposant, moyennant un coût supplémentaire, des expériences en immersion totale sur le terrain dans le but de déclencher un engagement affectif vis-à-vis de l’espèce à protéger. True Luxury Travel offre ainsi la rare possibilité à de petits groupes de personnes d’accompagner un expert de la conservation dans le Parc national de Kanha–la plus grande réserve indienne de tigres du Bengale–lors d’une expédition de repérage par caméra vidéo afin d’évaluer la densité de population de cette espèce et de participer à la lutte contre le braconnage. À cette occasion, les participants apprennent à pister le tigre, à identifier sa base alimentaire et assistent à la conférence d’un expert sur les problématiques relatives à la conservation du félin.De la même manière, le Borana Lodge au Kenya permet à ses hôtes de rejoindre une équipe de rangers lors de leurs missions quotidiennes de repérage à pied visant à recenser et à signaler chaque rhinocéros noir et blanc présent dans le sanctuaire du Borana Conservancy. Toutes les recettes générées par les clients sont réinvesties dans la formation et la qualité de vie des 115rangers hommes et femmes. Ici, toutefois, ces activités de recherche sont menées quoi qu’il advienne, avec ou sans touristes, puisqu’elles n’ont pas été conçues à l’origine pour être une distraction touristique.Vous l’aurez compris: vos choix en tant que voyageurs peuvent faire toute la différence et ces quatre exemples montrent qu’il est possible d’aller au-delà du simple greenwashing pour trouver un projet véritablement éthique et durable.Retrouvez aussi nos articles sur le voyage responsable :- Grands voyageurs : comment prendre l'avion ?- Comment réduire son impact écologique en voyage ?
Traduit par : Maud Combier Perben