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Publié le 14/10/2015 4 minutes de lecture
Aussi fluide et joyeux puisse être un voyage, ne nous leurrons pas : le retour dans la culture d'origine après un tour du monde peut s'avérer très problématique car la personne qui revient est différente de celle qui est partie.
Une transition difficile
Des changements parfois importants se sont opérés à l’intérieur, affectant ses valeurs, ses attitudes, ses actions, ses rêves et ses projets.
Ainsi, il y aura un décalage plus ou moins grand entre le souvenir de situations familières et sécurisantes et les émotions effectivement ressenties. D’intensité variable selon l’expérience vécue, ce décalage peut être vécu de multiples de façons. En voici quelques-unes :
- Critiquer fortement certains aspects de son ancien mode de vie ou de celui de ses proches, surtout après avoir passé du temps dans un pays plus pauvre. Par exemple, le gaspillage vous semblera intolérable et vous choquera profondément.
- Dévaloriser son pays d’origine, en le comparant à ceux que l’on a visités.
- Ne pas trouver les mots pour expliquer ce qu’on a vécu ou ce qui a changé en nous.
- Avoir le sentiment d’être incompris par les personnes de notre entourage. Quand ces personnes posent des questions sur le voyage, ils ne semblent pas écouter attentivement la réponse et forment des jugements sur cette expérience.
- Avoir tendance à s’isoler en l’absence de certains repères qui vous rassuraient autrefois.
- Idéaliser le voyage comme mode de vie, notamment en repensant aux souvenirs positifs ou intenses vécus sur la route.
- Ressentir de la déception en essayant de garder contact avec les amis rencontrés de la route. Avec le recul, on aura peut-être l’impression que ces relations nouées sur la route étaient superficielles.
- Avoir l’impression de n’avoir rien construit alors que ses proches ont obtenu un diplôme ou un poste prometteur, gagné de l’argent, acheté une maison voire se sont mariés… Les acquis intangibles du voyage semblent bien minces et surtout bien abstraits face aux réalités qui vous attendent sur le marché du travail.
- Ou au contraire : avoir l’impression que rienn’a bougé pendant son absence, l’impression de retrouver les choses, les gens tels qu’ils étaient avant de partir ; de ressentir que les gens sont mous, sans passion.
Une valeur ajoutée
Le voyage est une opportunité d’apprentissage fantastique, mais il n’est pas toujours facile de prendre suffisamment de recul pour identifier et s’approprier ce qu’on a appris.
Dans une perspective éducationnelle, on peut considérer cinq grandes catégories d’apprentissage :
- Prises de conscience : meilleure connaissance de soi (sentiments, émotions, besoins, capacités, etc.), sensibilité accrue face aux autres, à sa propre culture, à celle des autres et à la diversité culturelle, aux relations interpersonnelles (affections, tensions, modes de décision, etc.), à l’environnement urbain ou naturel, etc.
- Connaissances (savoirs) : informations sur les pays, les cultures, le voyage, les plantes, les techniques d’agriculture, les gestes à faire ou ne pas faire, etc.
- Compétences (savoir-faire) : aptitude à faire son sac, à prendre en charge les démarches administratives, à gérer son budget, sa sécurité, ses relations, compétence de communication interculturelle, aptitudes linguistiques, résolution de problèmes, etc.
- Attitudes et valeurs (savoir-être) : sentiment d’appartenance à la communauté mondiale, tolérance ou appréciation des autres cultures, envie de protéger l’environnement ou de vivre harmonieusement dans celui-ci, se remettre en question, avoir un esprit critique, connaître et choisir délibérément ses valeurs, considérer des façons alternatives de penser ou d’agir, etc.
- Participation (pouvoir-faire) : agir conformément à ses valeurs, s’engager dans un apprentissage permanent, participer dans un groupe (communauté, association, organisation, etc.), s’impliquer bénévolement, mettre sur pied un projet ou y contribuer, partager de l’information sur des forums de discussion ou des sites Web contributifs comme des wikis, etc.
Préparer son retour
Le voyageur averti devrait considérer la préparation du retour comme une étape essentielle du voyage, notamment si celui-ci était de longue durée. Le retour de voyage est une transition majeure trop souvent négligée !
Il vous faudra d’abord stabiliser votre situation en prévoyant un logement et en réfléchissant à un projet (études, travail, démarrage d’entreprise, etc.).
On décrit généralement le retour comme un processus en 4 étapes : euphorie du retour, confrontation/décalage, ajustement et aisance.
Laisser le temps au temps
Au retour, on a parfois cette sensation d’être encore sur la route, ce “flottement” incertain qui donne le goût de repartir. La première stratégie consiste à anticiper ce flottement en s’accordant du temps, beaucoup de temps après un long voyage. Rien ne sert de se lancer dans des dizaines de projets alors que vous n’êtes pas totalement revenu. En laissant le temps faire son œuvre, vous vous donnerez plus de chances de retomber en équilibre sur vos deux pieds.
Au cours de cette période, osez exprimer votre inconfort et vos besoins à vos proches. C’est peut-être le moment de reprendre contact avec des gens qui ont aussi beaucoup voyagé afin de vous confier et de partager vos sentiments, idées, points de vue ou même simplement être écouté par une personne à même de vous comprendre.
Faire le bilan
Une autre stratégie est de relativiser et d’analyser votre expérience. Le retour est une opportunité de prendre du recul et de faire le bilan de votre voyage par écrit. Nous vous suggérons d’y inclure au minimum :
- Points forts : succès, moments agréables, découvertes, rencontres importantes, etc.
- Points faibles : échecs, moments désagréables, déceptions, crises, etc.
- Apprentissages : prises de conscience, connaissances, compétences, attitudes et valeurs, participation.
- Perspectives : comment ces apprentissages pourraient-ils s’insérer dans votre vie personnelle ? Dans votre vie professionnelle ?
- Objectifs à court et à moyen terme : que souhaiteriez-vous accomplir dans les trois mois et dans l’année suivant votre retour ?
À partir de ce bilan, on peut déterminer des stratégies permettant de consolider certains acquis et éventuellement les mettre à profit. Par exemple, on peut prendre des cours d’une langue qu’on a commencé à apprendre, rédiger des articles pour un magazine spécialisé ou un journal local, organiser une expo photo, présenter une conférence, rencontrer des classes de lycées pour parler de culture, réaliser une œuvre d’art, etc.
Cette démarche d’évaluation a aussi l’avantage de donner un sens à son voyage et d’identifier les repères qui ont changé, ce qui facilite la réintégration.
On remarquera que les symptômes et les stratégies employées pour atténuer le “choc du retour” sont similaires à ceux liés au choc culturel. Il est important de se donner le temps de vivre la transition en douceur.
Enfin, quand on devient voyageur, il est rare que l’on cesse soudainement de l’être. Le voyage est avant tout un état d’esprit fluide, pleinement conscient et ancré dans le présent qui peut être vécu au quotidien, même si celui-ci est sédentaire et routinier.
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