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Randonnée

Le Kumano Kodō, chemin de pèlerinage séculaire du Japon

Texte par

Andrew Bender (traduit de l'anglais par Anna Alvarez)

Mis à jour le : 15 décembre 2017

Carte

Les chemins de Kumano Kodō sillonnent les montagnes de la péninsule de Kii, au sud d’Osaka. Une des destinations les plus reculées et les plus gratifiantes du Japon, l’“Ancienne Route de Kumano” était jadis un réseau de chemins de pèlerinage sacré, réservé aux empereurs et aux samurais. Aujourd’hui, il accueille randonneurs et âmes errantes de tous bords.

Une route séculaire devenue site classé

Avant même que toute forme de religion organisée n’apparaisse au Japon, les habitants de la Péninsule de Kii, entourés de paysages mystiques, vouaient déjà un culte à la nature. Les grands arbres, la plus haute cascade du pays et les montagnes qui les séparent étaient considérés comme des kami (divinités). Parmi eux, la promenade prenait un caractère sacré. Les empereurs et les samurais tenaient un journal détaillé de leur pèlerinage, comme Fujiwara-no-Munetada (1062-1141), un aristocrate qui se rendit à Kumano en 1109 et fut l’un des pionniers.
Au fil des années furent érigés des temples bouddhistes et des sanctuaires shintô, religion ancienne du Japon, dotant l’itinéraire de repères familiers au commun des mortels. En 2004, le Kumano Kodō et ses sites sacrés ont été classés au patrimoine mondial. L’itinéraire est devenu l’un des deux seuls chemins de pèlerinage reconnus par l’Unesco (avec le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne et en France).

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Kumano Nachi Taisha, l’un des trois grands sanctuaires de Kumano Kodō.
Choisir son pèlerinage

En réalité, le Kumano Kodō n’est pas une voie unique mais un réseau de sentiers qui serpentent parmi les montagnes densément boisées. Il n’y a ni point de départ et d’arrivée officiels, ni itinéraire préétabli. Les sentiers sont plus ou moins ardus – de quelques heures à plusieurs jours de marche – et englobent certains des plus beaux “lieux spirituels” (power spots) du Japon – temples, forêts et cascades propices à l’élévation de l’âme.
Historiquement, les pèlerins se rendaient au Kumano Sanzan – formé par les trois grands sanctuaires de Kumano, points d’orgue de la route de Nakahechi (ou Route impériale), riche de nombreux sites culturels.

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Le sentier forestier se scinde en deux sur la route de Kumano Kodō.
Cet important itinéraire traverse d’est en ouest la péninsule sur 38,5 km, depuis Takijiri-ōji à l’ouest, via le sanctuaire de Hongū – premier des trois grands sanctuaires. Le sentier se divise ensuite en deux pour rejoindre les deux autres sanctuaires : vers le sud-est, il traverse les montagnes jusqu’à la chute de Nachi-no-taki ; vers l’est, il longe la rivière Kumano-gawa en direction de Shingū.
Il existe plusieurs itinéraires sur la route de Nakahechi. Si les puristes préfèrent faire tout à pied, il n’y a pas de honte à prendre le bus entre les sites et le début des sentiers, surtout si le temps vous est compté.
 

La route de Nakahechi

Sur la côte ouest de la péninsule de Kii, Tanabe tient lieu de porte d’accès à Kumano et offre une dernière bouffée de modernité aux randonneurs avant qu’ils ne prennent la route. Faites le plein d’énergie – sashimi, yakitori, saké et umeshu (liqueur d’abricot locale) – dans l’un des nombreux izakaya (bars japonais) de l’Ajikōji, réseau de ruelles bordées de restaurants.
Le chemin part du sanctuaire shintô de Takijiri-ōji, à l’est de Tanabe, situé à 40 minutes de bus. Pendant plusieurs siècles, les pèlerins s’y sont baignés dans les eaux curatives de la rivière avant de prendre la route. La randonnée de 4 km commence par une ascension abrupte et zigzague parmi les racines et les rochers avant d’atteindre Takahara, surnommé “le village dans la brume”, un lieu agréable pour passer la nuit.

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Une ancienne ferme sur le chemin de Kumano Kodō.
Une marche d’environ 13 km – avec un dénivelé de 830 m – mène aux pinèdes séculaires de la ville suivante, Tsugizakura. Certains pins atteignent 8 m de circonférence. Les visiteurs préfèrent souvent prendre le bus, dont l’arrêt est situé à 25 minutes de Takahara. À l’arrivée, il faut à nouveau compter 25 minutes de marche entre l’arrêt de bus et Tsugizakura.
Les randonneurs les plus en forme pourront parcourir les 21,5 km qui suivent en 8 heures environ, découvrant des villages isolés, des sentiers forestiers et une vue inspirante sur le Kumano Hongū Taisha, le premier des grands sanctuaires, perché au-dessus d’une crête tapissée d’arbres. Non loin, le très moderne Kumano Hongū Heritage Centre fournit des explications de qualité en anglais sur la route et les sites classés. Derrière le centre se dresse le plus grand torii (porte de sanctuaire) du Japon, haut de près de 40 m.

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Le plus grand torii shintô du Japon se dresse parmi les rizières de Hongū.
L’étape suivante s’étend sur 27,5 km (une journée et demie de marche). À mi-chemin vous attend la portion la plus difficile : vous devrez faire face au menaçant Dogiri-zaka (“le versant brise-corps”) : environ 5 km de montée pour un dénivelé de 800 m. Un poète-pèlerin du XIIIe siècle l’a bien dit : “Il est impossible de décrire avec précision à quel point l’ascension est rude. ”
Après une série de montées et de descentes longeant une voie de service, vous serez récompensés par la vue sur Nachi-no-taki, la plus haute cascade du Japon (133 m), figurant en toile de fond sur d’innombrables photos de voyage, avec au premier plan une pagode orange éclatante, de l’autre côté de la vallée. La chute d’eau, considérée comme un kami (divinité), est vénérée juste à côté au Kumano Nachi Taisha, deuxième grand sanctuaire de la région.

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Pagode vermillon et chute de Nachi-no-taki.
Pour atteindre le Kumano Hayatama Taisha, troisième et dernier sanctuaire, les pèlerins descendaient traditionnellement le Kumano-gawa, des hauteurs d’Hongū à la ville de Shingū, là où ce fleuve rejoint l’immensité du Pacifique. Les marcheurs d’aujourd’hui peuvent encore faire le voyage en bateau à fond plat traditionnel, mais des kayaks et des bateaux à moteur sont aussi à disposition. Au sanctuaire, la contemplation du vieux pin sacré âgé de 800 ans fournit une conclusion idéale à l’épopée de Kumano.
 

Détour par les villages thermaux et Kōya-san

Si vous avez le temps d’explorer, plusieurs lieux méritent le coup d’œil. À quelques minutes en bus ou à 3,5 km de marche de Hongū, trois villages thermaux, reliés entre eux, soulagent les pieds et les âmes des voyageurs depuis des siècles. Si vous ne pouvez en voir qu’un, optez pour le pittoresque Yunomine Onsen, où un torrent dévale la colline avant de traverser le centre du village. Outre des bains publics, le village compte plusieurs petits ryokan (auberges traditionnelles) renfermant de ravissants bains rustiques. Watarase Onsen abrite un grand ensemble de bains ouverts de part et d’autre, entourés d’auberges plus grandes. Kawa-yu Onsen est le plus étrange des trois : l’eau bouillonne sous les graviers et émerge dans le lit de la rivière, où les baigneurs aménagent leur propre bain avec les pierres. Les rives de Kawa-yu sont l’une des rares stations thermales japonaises où un maillot de bain est requis.

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Le soleil filtre entre les arbres dans le cimetière d’Oku-no-in, Kōya-san.
Au nord de Kumano Kodō, le complexe religieux haut perché de Kōya-san est un ensemble de temples auréolé de spiritualité, fief de la secte Shingon, école de bouddhisme ésotérique, et site classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Seuls les randonneurs les plus vaillants et acharnés s’attaqueront aux 70 km du sentier Kohechi, au départ de Kumano ; pour les autres, quelques bus quotidiens assurent la liaison. Kōya-san est aussi desservi par plusieurs trains quotidiens depuis Osaka, pratiques pour une excursion.
 

Excursion à Kumano

Si vous devez vous contenter d’une simple excursion, optez pour Nachi-no-taki et le sanctuaire de Kumano Nachi Taisha. Depuis Osaka, quelques Kuroshio (trains express) font le tour de la péninsule jusqu’à la gare de Kii-Katsuura (environ 3 heures 30) ; de là, comptez 25 minutes de bus jusqu’au sanctuaire. Vous suerez à grosses gouttes pendant l’ascension de 800 m le long d’un fabuleux sentier arboré. Si vous disposez encore d’un peu de temps, regagnez la gare de Kii-Katsuura et reprenez le train pour Shingū et le sanctuaire de Kumano Hayatama Taisha.

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Vénérable pin du sanctuaire de Kumano Hayatama Taisha, vieux de quelque 800 ans
Où se loger

Tanabe à l’extrémité ouest de la route de Nakahechi, et Shingū à l’est, sont les villes qui concentrent le plus de logements. Autrement, la route est semée de petites pensions et ryokan. Ces villages reculés vous offriront une expérience japonaise des plus authentiques. Même les hébergements les plus récents arborent pour la plupart un style traditionnel avec futons, salles de bains communes et gastronomie locale. À Hongū, le B&B Blue Sky Guesthouse, plus moderne, est situé à l’écart dans un vallon. À Tanabe, le sobre Miyoshiya Ryokan, style années 50, est un favori des voyageurs, tandis qu’à Shingū, l’Hotel New Palace arbore des chambres modernes à l’occidentale propices à la détente. Les hébergements des villages thermaux, près de Hongū, méritent le détour, en particulier le pittoresque Ryokan Yoshino-ya de Yunomine Onsen, au bord de l’eau.

Planifier votre voyage

Le Tanabe City Kumano Tourism Board est l’un des meilleurs bureaux de tourisme du Japon. Il fournit d’excellentes ressources pour planifier une visite et publie des cartes détaillées de la région, disponibles en ligne, qui répertorient les restaurants proposant des menus en anglais. Il gère aussi un service de réservation en ligne multilingue. Réservez bien à l’avance, surtout si vous voyagez en été, ou à l’automne pour admirer les feuillages.