Corse

Corse : culture et traditions

La Corse, à bien des égards, est un monde à part au sein de l’ensemble français. L’histoire de l’île, jalonnée d’invasions successives, a en effet exacerbé le sentiment de l’identité insulaire. Si elle sait dévoiler des trésors de chaleur et d’hospitalité à ceux qui font un petit effort pour décoder son âme et oublier les stéréotypes, cette île conservatrice sait aussi ériger un mur invisible entre le Corse et le non-Corse...

L'identité corse

L’identité corse est un sujet éminemment sensible, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et, au fil de l’histoire, pas mal de sang. En réalité, la question qui se pose est moins celle de l’identité corse en elle-même que celle de la représentation qui en est donnée, souvent de manière simpliste, tant par certains Corses que certains pinzutti (continentaux). D’où des malentendus réguliers…

Quoi qu’il en soit, on peut énoncer quelques traits qui, s’ils n’ont pas valeur de postulats définitifs, aideront les visiteurs à mieux comprendre ce que signifie “être corse” à notre époque. En premier lieu, il faut rappeler (et marteler !) que la Corse est une île, dont l’histoire tumultueuse a été jalonnée d’invasions. De là provient le sentiment de méfiance et d’autoprotection qui imprègne la mentalité locale. Tout ce qui est “non corse” peut menacer l’identité insulaire et provoque parfois des réactions disproportionnées, comme ces panneaux de signalisation en français rageusement barrés à la peinture, histoire de rappeler que la langue corse n’a pas été jetée aux oubliettes. Plus inquiétantes, les réactions racistes à l’encontre de la communauté arabe (“Arabi fora”) ne peuvent trouver une explication que dans une dérive extrémiste de cet esprit de repli et de méfiance.

À une écrasante majorité, les Corses se sentent davantage corses que français. Paradoxalement, ils restent néanmoins, pour la plupart, très attachés à la France. Au bout du compte, ils ont développé au fil du temps une relation d’amour-haine avec le continent, pas toujours facile à vivre et à gérer, tant pour eux que pour les visiteurs.

À cela s’ajoutent une série de valeurs fondatrices du peuple corse, qui restent vivantes sur cette île conservatrice. Le sens de l’honneur – et le respect de la parole donnée qui en découle – vient certainement en tête. L’atteinte à l’honneur, des hommes comme des femmes, est considérée de longue date comme le pire des affronts. On raconte que le simple fait de toucher le costume ou la coiffe d’une femme suffisait naguère à la déshonorer, et des fiertés bafouées ont été à l’origine de vendettas meurtrières. L’île a ainsi produit un certain nombre de “bandits d’honneur”, devenus des hors-la-loi et réfugiés parfois des années durant dans le maquis pour avoir lavé une offense par les armes. Précisons au passage que les armes, au-delà de la tradition de la chasse, font partie de la culture corse.

La famille tient également une place privilégiée. Quelques règles servent à préserver son unité et sa continuité. Outre l’indivision, qui prévaut lors des héritages, la tradition voulait – et veut souvent encore – que le premier enfant porte le prénom de son grand-père paternel, le deuxième celui de sa grand-mère maternelle, le troisième celui de sa grand-mère paternelle, le quatrième celui du grand-père maternel. Comme souvent sur le pourtour de la Méditerranée, la famille corse traditionnelle est patriarcale. Les garçons héritaient autrefois des habitations. Les terres du littoral – moins bonnes que celles de l’arrière-pays à l’époque où sévissait le paludisme – étaient dévolues aux filles (nombre d’entre elles s’en félicitent maintenant…). Le clan est une autre caractéristique insulaire. Véritable famille élargie associant des parents éloignés, mais aussi des membres de la communauté villageoise, le clan est une structure fermée, jalouse de son influence et de son autorité. Ses membres sont fidèles à ce cercle d’entraide dont ils servent aveuglément les intérêts.

Gardons-nous cependant de croire que “la Corse est un village”. S’il est un autre signe distinctif de la société insulaire, c’est son manque d’unité. Les habitants de l’île l’ont de tout temps prouvé, et en toutes circonstances. Les liens qui existent au sein des familles, des clans et des villages sont souvent aussi puissants que ceux qui les opposent à une autre famille, un autre clan ou un autre village…

À l’heure où de nombreux Corses n’habitent plus l’île, “être corse” équivaut pour beaucoup à se conformer aux valeurs abordées brièvement ci-dessus. Le non-Corse, “celui qui n’est pas de la famille”, risque pour sa part de voir un certain ethnocentrisme dans ces traits culturels et de trouver la société corse bien “refermée” sur ses villages, ses clans, ses familles, ses terroirs. Souvent, le nouveau venu ressent en Corse la présence d’un mur invisible séparant l’“étranger” et le Corse, comme deux mondes se côtoyant, le premier étant toléré par le second tant qu’il ne se mêle pas des affaires internes de l’île. Une dichotomie exacerbée par le fait que le tourisme bouleverse certaines valeurs insulaires : alors que la Corse possède une culture montagnarde dont la plus grande part des activités traditionnelles a lieu en hiver (saison du figatellu, de la charcuterie, du brocciu, de la chasse), la majorité des visiteurs viennent aux beaux jours, sur les côtes…

La Corse, cela dit, sait aussi se faire très chaleureuse. L’île dévoilera des trésors de chaleur et d’hospitalité à ceux qui feront un petit effort pour décoder son âme et oublier les stéréotypes.

Us et coutumes en corse

Quelques règles de conduite simples faciliteront votre voyage en Corse. En premier lieu, certaines habitudes de politesse, parfois disparues sur le continent, perdurent sur l’île. On s’attendra, par exemple, à vous entendre dire “merci monsieur” ou “merci madame”, et pas simplement “merci” afin de gagner quelques secondes. La précipitation, en règle générale, n’est pas de mise et vous aurez tout à gagner en prenant le temps… N’oubliez pas de vous présenter lors d’une conversation ; on aime ici savoir à qui l’on a affaire. Par ailleurs, le fait de venir à une invitation en apportant quelque chose peut parfois être vécu comme offensant. Vos hôtes pourraient en déduire que vous avez peur de ne pas trouver sur place de quoi vous satisfaire. L’usage veut enfin, si vous buvez un verre avec des Corses, que chacun paye sa tournée plutôt que de diviser la note. Surtout, évitez de critiquer la Corse et ne vous comportez pas en pays conquis. D’autres, nombreux, s’y sont déjà cassé les dents !

La dette de sang : la vendetta

De toutes les traditions corses, la vendetta est certainement celle qui a fait le plus parler d’elle au-delà des mers. Très répandue entre les XVIe et XVIIIe siècles, cette coutume vit des familles se livrer de véritables guerres, étalées sur plusieurs années, voire plusieurs générations. Il serait cependant erroné de penser que la vendetta se substituait à une justice officielle. Elle répondait au contraire, le plus souvent, à l’absence d’autorité de justice sur l’île et a toujours décru lorsqu’un pouvoir fort présidait à sa destinée. 

Loin d’être une justice “anarchique”, la vendetta répondait à des règles : elle se déclarait comme une guerre, pouvait se finir par la signature d’un traité de paix, etc. Les atteintes à l’honneur furent l’une des causes les plus répandues. Les rivalités amoureuses, les différends concernant des terres ou encore la volonté d’affirmer localement sa puissance mirent également le feu aux poudres en de nombreuses occasions. Jean-Baptiste Marcaggi propose dans Bandits corses d’hier et d’aujourd’hui (1932, réédité par La Marge en 1978) une définition de la vendetta : “[…] c’est non seulement le droit de se faire justice soi-même, mais aussi l’obligation impérative, en cas de meurtre, d’acquitter la ‘dette de sang’, de revendiquer, d’une façon générale, la réparation des offenses faites à l’honneur d’un membre du groupe familial. Les vengeurs, en un mot, poursuivent jusqu’à satisfaction un but de justice.” La vendetta, on le voit ici, est un engrenage

Selon ses règles, qui interdisent toute compensation matérielle pour un meurtre ou une offense, chaque mort en appelle une autre. Nombreuses sont ainsi les vendettas qui n’ont pris fin que lorsque les deux familles déploraient des pertes égales… Cette sanglante coutume séculaire, intimement liée à la valeur que l’on attache au sens de l’honneur, avait également son rituel, très méditerranéen. Non seulement les familles en guerre gardaient la chemise ensanglantée du mort tant qu’il n’était pas vengé, mais les hommes ne se taillaient plus ni les cheveux ni la barbe tant que leur vengeance n’était pas complète… 

Plus répandu dans le Sud – il n’y en eut jamais au Cap Corse, et très peu en Balagne –, le phénomène prit des proportions considérables. L’île déplora certaines années près de 900 meurtres… Nombreux sont ceux qui, une fois leur vengeance accomplie, n’eurent d’autre choix que de prendre le maquis et de se faire bandits. Il n’était plus alors question d’honneur, mais de survie, et tous les moyens étaient bons pour gagner et protéger sa vie.

Langue

La langue corse est parlée au quotidien par une large proportion des habitants de l'île. Le corse tire ses racines de l'italien mais a été influencée par des composantes ibère, ligure et génoise. Le français est enfin venu s'y greffer.

La langue occupe une part très importante dans le sentiment identitaire corse. Une tardive reconnaissance vit le jour en 1974, lorsqu'elle fut incluse dans le cadre de la loi Deixonne sur les "langues régionales".

Les lettres k,w, x et y n'existent pas en corse. L'alphabet insulaire s'enrichit en revanche des groupes de lettres chj (tyi) et ghj (diè). En règle générale, ch se prononce g ; u se prononce ou ; c se prononce souvent tch et g se prononce fréquemment dg. La dernière voyelle d'un mot est très souvent chuintante, voire presque totalement étouffée. Porto-Vecchio, qui se dit Purti-Vechju en corse, se prononce ainsi "pourti-vechj".

Parmi les mots et expressions utiles, citons :

A venicci : Au revoir
A salute ! : À votre santé !
Bunghjornu : Bonjour
Pace i salute ! : Meilleurs vœux
Grazie : Merci
Quantu ? : Combien ?
Duve ? : Où ?
Quandu ? : Quand ?
Quale ? : Qui ?

La religion en Corse

La Corse est majoritairement catholique romaine. De nombreuses églises, cérémonies, processions et ex-voto témoignent de la vigueur de la foi sur l'île. La religion catholique, cela dit, cohabite en Corse avec des pratiques liées à la magie et un certain nombre de superstitions.

On trouve également en Corse quelques temples protestants et une église de rite grec orthodoxe, à Cargèse.

La religion occupe une large place dans les traditions corses. La Semaine sainte, notamment, est célébrée par de nombreuses processions. Les plus célèbres sont celles de Bonifacio (procession des cinq confréries) et de Sartène (U Catenacciu). Calvi, Corte, Erbalunga ou Bastia fêtent également la Semaine sainte avec ferveur. Les barques de pêche sont bénies pour la Saint-Érasme à Ajaccio, Bastia et Calvi. La Saint-Jean est fêtée à Corte et à Bastia, Notre-Dame à Bonifacio et Notre-Dame-des-Neiges fait l'objet d'un pèlerinage dans l'Alta Rocca début août.

Les Arts

Pise a légué à la Corse un exceptionnel patrimoine roman. Il s'illustre par de petites cathédrales que l'on trouve essentiellement dans le Nebbio, la Castagniccia et la Balagne. Par la suite, le style baroque investit la Corse sous l'influence génoise. Près de 150 églises arborant les frontons triangulaires ou curvilignes caractéristiques de ce style y sont visibles. La cité italienne a également été à l'origine de la construction de 85 tours littorales (il en reste 67) et de citadelles.

La Corse a également importé les cultures pisane et génoise dans le domaine de la peinture. Le musée Fesch d'Ajaccio abrite ainsi une exceptionnelle collection de primitifs italiens. Plus tard, Matisse, Fernand Léger ou Utrillo vinrent chercher en Corse la lumière que demandait leur inspiration.

La musique vocale, en pleine renaissance, trouve ses origines dans la tradition insulaire. Le paghjella, chant polyphonique qui mêle trois ou quatre voix d'hommes, en est la forme la plus connue. Le voceru, plus triste, accompagne les veillées funèbres, il est l'apanage des femmes. Plus doux, le lamentu déplore l'absence d'un être aimé. Les chjam'e rispondi rappellent enfin dans leur structure le "call and response" du blues et du spiritual : une voix appelle, une autre lui répond. Canta U Populu Corsu, I Muvrini, A Filetta ou encore les Ghjami sont les principaux artisans du renouveau de la musique vocale traditionnelle corse. Par ailleurs, des groupes de rock insulaires, comme Ghostone, Triok ou Blague à part revisitent la musique corse traditionnelle.

Tradition orale oblige, la Corse a en revanche peu engendré de vocations littéraires. De nombreux auteurs du continent se sont cependant intéressés à l'île : Guy de Maupassant (Un bandit Corse, 1882 ; Une vendetta, 1883), Alexandre Dumas (Les Frères corses, 1884), Alphonse Daudet. Prosper Mérimée a signé avec Colomba (1841) le plus célèbre ouvrage dont la Corse et ses coutumes servent de décor. Cependant, parmi les contemporains, L'enfant de Bastia Angelo Rinaldi apporte sa vision de l'île, ainsi que Marie Ferranti ou encore Hélène et Jeanne Brescioni. Le polar sucite également des vocations littéraires depuis plusieurs années. Dans un autre registre, la bande dessinée L'Enquête corse (Albin Michel, 2000), phénomène littéraire et gros succès de librairie, a eu droit à sa traduction en langue corse et à une adaptation au cinéma (avec Jean Reno et Christian Clavier).

Voir aussi

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