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Publié le 08/02/2022 6 minutes de lecture
Devoir choisir une île grecque pour une escapade gastronomique est un dilemme des plus agréables. Pour réduire l'éventail du choix et maximiser le plaisir, mieux vaut prévoir de rester dans un petit périmètre. Nous nous concentrerons ici sur deux îles du Dodécanèse : laquelle, de Rhôdes ou de Symi, aura votre préférence ?
Rhodes et Symi ne sont qu’à 50 minutes l’une de l’autre en ferry express, et pourtant elles restent très différentes. Rhodes est presque 25 fois plus grande, pour commencer. Et si toutes deux enchantent d’un point de vue culinaire, lisez plutôt pour savoir si l’une vous correspond mieux que l’autre.
Produits de la mer ou viande ? Cuisine rustique ou raffinée ?
Rhodes et Symi bénéficient toutes deux de produits de la mer frais mais leurs cuisines diffèrent quelque peu. Préférez-vous une carte inventive dans un hôtel sophistiqué ou un dîner dans un bistrot décontracté du bord de mer en compagnie de gens du cru (ou de célébrités) ? Un petit tour à la campagne pour casser au marteau un pot de terre cuite dans lequel on a fait rôtir de délicieux morceaux de chèvre vous tente ? Tout cela est à portée ici.
À Rhodes
On peut bien manger partout dans l’île, il est donc intéressant de louer une voiture pour pouvoir aller dans différents endroits. Allez au sud à Lindos, au restaurant Mavrikos, taverna classique drapée de feuilles de vigne, qui existe depuis 1933. Idéalement situé au carrefour principal du village, c’est le genre d’endroit où une simple question sur la provenance des produits de la mer fera venir en un claquement de doigts une assiette de rougets (pêchés quelques heures plutôt) qu’on vous présentera avec une révérence. Vous apercevrez peut-être David Gilmour, le guitariste de Pink Floyd, qui a une maison aux environs et refuse obstinément que le restaurant change sa décoration datant des années 1970. Ce qui ajoute à son charme.
Au restaurant Five Senses du Lindos Blu, un hôtel de luxe, succombez à l’inventivité culinaire du chef Manolis Platellas et du chef-pâtissier Lazaros Chatzisavvas. Leur menu dégustation “Art Kouzina” met l’accent sur l’art dans la gastronomie, avec des souvenirs, des histoires, une présentation originale et des versions revisitées de plats traditionnels grecs. Stifado (ragoût) au caviar d’escargot ? Sorbet de pastèque, verveine et citron sculpté pour ressembler à une mini-pastèque ? Dessert de “corail” de yaourt grec à l’azote liquide ? Gastronomes aventureux, ne cherchez pas plus loin.Allez dans les terres au petit village d’Apollona, qu’on visite pour deux très bonnes raisons. Il compte à peine plus de 1 000 habitants mais la Coopérative agritouristique des femmes d'Apolonna travaille dur depuis 2005 pour préserver les traditions culinaires de l’île. Vous repérerez immédiatement la clôture bleu marine avec l’image d’une femme portant un panier. L’intérieur, après les fleurs sauvages et les grenadiers, ressemble un peu à une boulangerie où on vend des produits traditionnels de l’île. C’est l’endroit idéal pour goûter le melekouni, en-cas énergétique de Rhodes, aux graines de sésame et au miel, et assister à sa confection chaque jour à 11 h 30 (un conseil : restez jusqu’à l’heure du pain frais, à midi). L'autre raison de visiter Apollona se nomme Giannis Efthymiou, légende locale et chef du restaurant Paraga. C'est un des secrets gastronomiques les mieux gardés de Rhodes : Giannis a modifié des fours à bois pour faire revivre les techniques des générations précédentes, et sert ses créations dans des céramiques peintes à la main et fabriquées sur place. Détendez-vous dans son restaurant rustique (le décor est l'oeuvre du charpentier du village) tandis qu'on vous sert un bol de soupe au trahana, puis la pita cuite au feu de bois et parfumée par son lit de feuilles de menthe, sauge, pistaches et brindilles de myrte. Mais il faut voir ce que Giannis fait avec l'argile pour le croire. Commandez la chèvre au pois chiches et ne soyez pas surpris qu'on vous l'apporte avec un marteau. Giannis roule l'argile fraîche comme de la pâtisserie pour en faire un contenant de cuisson dont il enveloppe la viande, les pois chiches et les épices. Le tout cuit lentement toute la nuit dans le four à bois, puis on brise la terre cuite à table pour goûter à la viande fondante. Passer tout un après-midi ici à savourer des délices grecs tout en profitant de l'air tiède où flottent les arômes de marjolaine, de menthe, d'origan et de romarin du jardin adjacent est une expérience inoubliable. Si vous voulez rester à proximité de l'animation nocturne de la ville, le restaurant gastronomique Noble est juste à l'extérieur de Rhodes, près de la plage de Kalithéa. Fait pour les amateurs de cuisine raffinée, il est au sommet de l'immense Elysium Resort. Dînez à l'intérieur plutôt que sur le toit si vous préférez évitez les interférences du groupe de rock qui joue en bas avec l'atmosphère par ailleurs plutôt chic du restaurant. Ici, le chef George Troumouchis applique les leçons apprises en visitant 42 des villages de l'île (il a publié un livre sur le sujet), et met en valeur certaines recettes oubliées de Rhodes. Depuis 2018, il ne propose que des menus dégustation (avec au choix, huit, douze ou, pour les plus endurants vingt-deux plats !). Ceux-ci sont présentés avec un style et une inventivité dignes du Michelin, comme la Kakavia (soupe de poisson) servie dans une bouteille évidée avec un "filet de pêche" en calamar et du pain pour imiter les flotteurs de liège.Dans la ville de Rhodes même, le restaurant Marco Polo est discret, avec une carte courte, mais déborde de charme et son histoire est belle. Ce sera peut-être votre unique chance de goûter à un baklava déconstruit. Ancienne demeure de chevalier, le Kokkini Porta Rossa a été transformé en six suites de charme. Essayez de ne rien prévoir le matin car l'endroit est réputé pour ses petits déjeunés de plusieurs plats bio élégamment présentés, servis dans la cour médiévale.À Symi
Vous n’avez pas envie de trop marcher pour aller manger ? Vous aimez faire partie des “habitués”, que les serveurs reconnaissent ? À Symi, la gastronomie est concentrée sur une plus petite zone qu’à Rhodes, car l’île est bien moins grande : la majorité des options sont regroupées autour du port pittoresque de Gialos. Il y a beaucoup de tavernas et de boulangeries sans chichi qui vous raviront d’une tarte aux épinards tout juste sortie du four mais les produits de la mer tiennent le haut du pavé ici, et notamment les “crevettes de Symi”, petites, douces, qu’on mange entières.L’un des meilleurs restaurant pour y goûter se nomme Pantelis, propriété d’un authentique Symiote, Pantelis Kalliaros. La chose est importante : Pantelis sait quels rochers escalader pour trouver les meilleures câpres, connaît les baies isolées où il trouvera des fruits de mer rares et il possède aussi une ferme avec cochons et poules fournissant la viande et les œufs pour son restaurant. Tout est extra-frais, avec des inventions intéressantes (dues à l’expérience de Pantelis, qui était auparavant cuisinier sur des bateaux de croisière), comme le poulpe tiède à l’huile de truffe, à la mangue et au gingembre.
Aimez-vous le vin et les cocktails ?
Apprenez le mot “Yamas”, “Santé !” en grec. À Rhodes ou à Symi, on boit bien, qu’on aime les cocktails sophistiqués à base d’alcools locaux, la dégustation de vins du cru dans les domaines viticoles familiaux ou le classique ouzo, comme le font les habitants ici.
À Rhodes
Montez à Embonas, sur les pentes du mont Ataviros, à une heure au nord-ouest de Lindos par des routes de montagnes sinueuses (attention aux chèvres sauvages), où vous apercevrez beaucoup de petits panneaux proposant des détours vers des domaines viticoles. Le plus modeste d’entre eux est au beau milieu de la rue principale d’Embonas : c’est le domaine de la famille Alexandris, qui habite sur place. Réservez et la troisième génération de la famille, représentée par Panayoutis, vous emmènera déguster ses vins bio (avec accord mets-vin : le croissant aux fraises et à la crème accompagne parfaitement le Petra, un rosé rubis de vendange tardive aux notes de fraise et de mûre, par exemple). C’est un petit domaine (5,7 ha de vignes, entre 400 m et 700 m d’altitude) qui ne travaille pas à l’exportation : quelques bouteilles feront donc un souvenir de voyage idéal.
Au Lindos Blu, les amateurs de cocktails essaieront le Greek Old Fashioned fait de tsipouro vieilli deux ans en fûts de chêne, de Roots Diktamo, une liqueur crétoise (vanille, racine de réglisse, muscade et dictame, une plante de Crète aux propriétés médicinales et aphrodisiaques), et de vermouth italien.À Symi
Les choses sont plus simples à Symi. Bien sûr, on peut boire de bons cocktails au Vapori Bar ou assis sur la digue au Tsati Bar. Mais il s’agit surtout de se détendre au bord de l’eau tout en sirotant avec élégance un verre d’ouzo (car oui, on boit l’ouzo avec élégance en Grèce, contrairement à certaines autres parties du monde !)
Comment circuler
À Rhodes, louez un véhicule (demander un GPS peut s’avérer utile) chez Rodos Cars. Les billets de ferry pour Symi peuvent se prendre auprès de Dodekanisos Seaways, qui disposent d’un guichet à l’embarcadère du port de Kolona, dans la ville de Rhodes.Karyn s’est rendue à Rhodes et à Symi avec le soutien de Discover Greece et d’Aegean Airlines. Les contributeurs de Lonely Planet n’acceptent aucune contrepartie en échange d’un reportage favorable.
Traduit par : Vincent Guilluy