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Publié le 31/07/2023 4 minutes de lecture
Véritable monument national construit pour permettre la traversée de la Suède d'est en ouest, le Göta canal connait une nouvelle vie avec le tourisme nature. À découvrir pour quelques heures ou plusieurs jours, en bateau et surtout à vélo depuis que ses berges sont un "Itinéraire cyclable national".
Le renouveau du "ruban bleu de la Suède"
Le 26 septembre 1832, le vaisseau royal Esplendian, avec à son bord le roi de Suède Karl XIV, franchissait l’écluse de Mem. L'œuvre de Baltzar von Platen, principal architecte du Göta canal, était enfin réalité ! Cet officier de marine avait eu le premier l'idée de relier la mer du Nord à la Baltique. En traversant ainsi la Suède d'est en ouest, on gagnait du temps sur les transports en évitant le détour par l'Øresund, au sud, où les danois taxaient les navires de commerce. Les travaux débutèrent en 1809, avec l'expertise d’un ingénieur écossais spécialiste des canaux et des écluses, Thomas Telford. Ils étaient prévus pour durer 10 ans. Il en fallu 22, et la construction coûta 6 fois plus cher que prévu. Même si il empruntait le canal de Trollhätte, à l'ouest, inauguré en 1800, et les immenses lacs Vännern et Vättern, le tracé du canal en lui-même s'étendait sur 190 km et culminait 92 m au-dessus du niveau de la mer, ce qui imposait la création de 58 écluses. Près de 58 000 soldats furent employés pour le creuser, majoritairement à la main. Baltzar von Platen, mort trois ans avant le voyage inaugural, ne connut pas la fin de l'histoire : comme nombre de canaux de cette époque, le Göta, surnommé à sa grande époque "le ruban bleu de la Suède", fut rapidement concurrencé par le chemin de fer. Mis en sommeil à partir des années 1950, il connait maintenant une deuxième vie avec le tourisme.
Pédaler sur le chemin de halage
Depuis le printemps 2023, une partie de 220 km du chemin de halage longeant le canal, entre le lac Vänern et les portes de la Baltique, est devenu "Itinéraire cyclable national". Une bulle de quiétude ouverte toute l'année, mais particulièrement agréable aux beaux jours, lorsque les immenses champs de colza étendent leur éclatant manteau jaune, sur lequel les bâtisses badigeonnées au rouge de Falun posent des touches d'amarante. Sur terrain plat, on pédale à son rythme dans le chant des oiseaux, entre successions d'écluses et bourgades paisibles. La partie du canal située entre les lacs Vännern et Vättern offre de belles possibilités, et il est facile d'y organiser un périple décarbonné : de Göteborg, il suffit de rejoindre en train Töreboda, où on peut louer des vélos classiques au café Visthuset et des vélos à assistance électrique chez Sustainable Stella. Cette agence propose même de livrer les montures à l'hôtel Norrkvarn, excellente base pour explorer cette partie du canal située à seulement 2 km de la gare de Lyrestad.
L'intégralité du parcours, avec les étapes et les possibilités d'hébergement et de restauration, est disponible sur le site très complet du Göta Kanal. D'autres itinéraires cyclables sont présentés sur le site de l'Office du tourisme de l'ouest de la Suède, dont le Vänerleden, qui fait le tour du plus grand lac du pays en… 640 km.
En bateau d'une mer à l'autre
Depuis sa fondation en 1869, la compagnie du canal propose des croisières d’un bout à l’autre des côtes suédoises, de Göteborg à Stockholm, en 4 à 6 jours. Un véritable voyage dans le temps : le trajet s'effectue à bord de navires qui semblent sortis d'un décor de film. Le Juno, construit en 1874, serait selon la compagnie le plus vieux navire de croisière au monde encore en circulation. Le Wilhelm Tham (1912) est à peine plus jeune, tandis que le Diana, mis à l'eau en 1931, fait figure de petit dernier. L'ambiance à bord, cosy et plutôt chic, évoque un roman d'Agatha Christie. Entre les passages d'écluses et les pauses fika, c'est donc le moment idéal pour se plonger dans un classique du polar suédois. Publié en 1965, Roseanna, du couple d'écrivains Maj Sjöwall et Per Wahlöö, raconte une enquête sur le canal. Le livre a été réédité en français, avec une préface du maître Henning Mankell.
Si vous ne disposez pas de 4 ou 6 jours (ou du budget nécessaire, un peu salé pour une croisière en eaux douces !), il est aussi possible de naviguer 2 ou 3 jours depuis le lac Vättern à bord du Wilhelm Tham, ou à la journée sur des navires moins prestigieux.
A l’époque de son exploitation commerciale, le canal était ouvert toute l’année. Il était ainsi parfois nécessaire de casser la glace pour actionner les écluses, alors manuelles. Aujourd'hui, la navigation est seulement possible de mai à septembre.
Bien-être à la suédoise
Retenez bien le mot Hållbarhetsklivet (ou du moins essayez !). Cette longue série de consonnes désigne en effet une excellente initiative : un programme en faveur du tourisme durable. Une série de restaurants et d'hôtels de l'ouest du canal adhèrent à la formule, en s'engageant à éviter toute pression inutile sur l'environnement. Au programme : produits de nettoyage écologiques, gestion et réduction des déchets, menus proposant toujours des options véganes et végétariennes, produits de saison et locavores. L'hôtel-restaurant Norrqvarn va plus loin avec le concept "edible country". En été, on dîne en plein air, au bord du canal, de plats délicats cuisinés au feu de bois, à base de produits locaux.
En pédalant au fil du chemin de halage, on cédera aussi à la tradition du fika, cette habitude suédoise qui voit les habitants du pays faire à toute heure des pauses autour d'un café et de gâteaux roulés à la cannelle. À Hajstorp, où se succèdent les écluses, Marianne Ljungström tient le Hajstorp Slusscafe, particulièrement apprécié pour faire la pause. On y rencontre Per Gustavsson, agriculteur à la retraite, qui a assisté à l'évolution des lieux depuis 50 ans. "Sans les touristes, le canal serait mort, dit-il. Ce sont eux qui lui apportent de la vie maintenant qu’il n’y a plus de trafic commercial".