À l'aventure !

10 bonnes raisons de s'évader dans le Kerala

© Emilie Thièse

État prospère et progressiste, le Kerala est une enclave sereine et fertile au cœur de l'Inde. Si cette « terre de cocotiers » - littéralement en malayalam, la langue locale - ne démentit pas son nom, elle ne se réduit pas à la beauté de ses plages. Lacis de canaux enserrant lacs et lagunes ; montagnes reconnues Patrimoine mondial par l'Unesco, abritant forêt tropicale, plantations d'épices et animaux sauvages ; plantes médicinales délivrant le corps de ses maux... Seule rivale à cette nature opulente, la générosité des Kéralais qui prennent l'expression « Atithi Devo Bhava », « l'invité est un Dieu », au pied de la lettre. Sûrement la première raison de s'y rendre.

Laisser s'écouler le temps sur les backwaters

La rame de Sabu perce le tapis de nénuphars et de jacinthes d'eau. Surgissant du vert, quelques nymphéas fuchsia qui déjà se referment, anticipant la chaleur. Abrités du soleil sous un parapluie anglais, on se laisse porter par le balancement du canoë, suivant vaguement des yeux le doigt de Sabu, qui pointe, ici, un Crabier de Gray, héron au bec joyeux, là, le corps jaune et bleu d'un Martin-pêcheur. Sur la rive nord, parmi la mêlée de cocotiers, des bougainvilliers rivalisent en gaieté avec le linge étendu à sécher, quelques pêcheurs à la ligne titillent le Karimeen, petits poissons tachetés destinés à être frits, et des femmes à la peau satinée s'affairent à la vaisselle, le corps à demi immergé. Dans le district de Kumarakom, le village d'Aymanam éparpille ses 4 500 maisons au cœur des backwaters, entre rizières et canaux. Le mode de vie y est resté majoritairement traditionnel. L'on y découvre ainsi comment ces 70 000 âmes tirent profit de l'abondance de la nature. Tissage de fibres de coco, tressage de feuilles de baquois, usage médicinal des plantes et épices... Ou encore, confection de toddy, le vin de palme, qui vaut de chapeauter les cocotiers de drôles de petits chaudrons pour en recueillir la sève.

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Découvertes au fil de l'eau, guidés par Sabu.
Découvertes au fil de l'eau, guidés par Sabu. Emilie Thièse
La quarantaine de rivières kéralaises qui dévale la chaîne de montagnes des Ghâts occidentaux jusque la mer d'Oman forment, une fois sur la côte de Malabar, les backwaters. Ce maillage de lagunes et de lacs serti d'îles tricote ses 1 500 km de canaux autour des cocotiers, pour le plus grand bonheur des touristes. À Alleppey, on embarque sur un kettuvalam, ou houseboat, pour une croisière indolente d'une ou plusieurs nuit. Les embarcations traditionnelles, qui transportaient autrefois les marchandises, se sont reconverties en hôtels flottants tout confort. De jour, leurs carapaces en fibre de coco serpentent à la file devant une litanie de palmiers, émaillées des scènes de vie quotidienne des villageois. Lorsque le soleil lutine l'horizon, l'escouade se disperse, pour rentrer à bon port ou s'amarrer dans la quiétude des rizières. De nuit, l'expérience est autre. Les lueurs des maisons nimbées de brume attisent l'imagination. Le paysage se meut en fantasmagorie. Les terriens, eux, s'établissent plutôt chez l'habitant, comme dans cette maison de ferme centenaire, Vembanad House, où la beauté du lever de soleil sur le lac Vembanad motive un réveil aux aurores, avant de partir vagabonder à vélo dans les villages alentour.

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Ce maillage de lagunes et de lacs serti d'îles tricote ses 1 500 km de canaux autour des cocotiers.
Ce maillage de lagunes et de lacs serti d'îles tricote ses 1 500 km de canaux autour des cocotiers. Emilie Thièse
Goûter aux bienfaits de la médecine ayurvédique

Avec son climat ensoleillé et humide, et sa nature exubérante, le Kerala est, depuis près de 5 000 ans, la terre d'élection de l’ayurvéda – littéralement, la science ou connaissance de la vie. Cette médecine indienne holistique, plus ancienne médecine au monde, s’attache à harmoniser les « humeurs » du corps, les tridoshas – vata (air) pitta (feu) kapha (eau/terre) -, afin de le prémunir ou de le guérir des maladies. Les plantes et herbes médicinales, utilisées sous forme de remèdes et d’huiles de massage, sont au cœur des différents protocoles de soin. Plantes dont le Kerala abonde. Les écoles ayurvédiques y foisonnent elles aussi, au même titre que les médecins, thérapeutes, cliniques et spa spécialisés. Impossible donc de ne pas y goûter, le temps d’un traitement de quelques heures, ou - pour une cure de jouvence - de plusieurs semaines. Repu d’onctions et de pétrissages, on en ressort drainé, allégé… Corps et âme.

Dormir dans une plantation de café

Convulser à travers l'ébullition sonore des villes du Nord, zigzaguer sur la route des Ghâts... Pour atteindre le district de Wayanad, il faut d'abord se laisser chahuter quelques heures. Une fois en haut, les saccades du voyage se font vite oublier. Dans cette région de moyenne altitude, les plantations de café et d’épices caracolent au creux des montagnes et de la forêt tropicale. On prend refuge dans l'une d'elle, à Aranyakam, sublime maison traditionnelle reconvertie en chambre d'hôtes, avec l'espoir de ne plus en bouger. Sur la terrasse, la mer de caféiers, égrenés de leurs petites perles rouges et sertis de boutons nacrés - l'éclosion est proche -, s'étale dans les effluves d'eucalyptus. En toile de fond, les Nilgiri, les « Montagnes bleues ». Une quiétude seulement bousculée par les musiques du temple, le chant du muezzin, quelques interjections de rickshaws (sorte de tuk-tuk)... Et notre appétit. Neema mitonne pour ses hôtes une cuisine kéralaise authentique, dont il est difficile de se rassasier. Pour digérer un peu, le choix se porte sur une randonnée vers de jolies chutes d’eau et un safari dans le Wayanad Wildlife Sanctuary. Cette réserve naturelle abrite l’une des plus importante communauté d’éléphants d’Asie, ainsi qu’une quantité d’animaux sauvages, dont le tigre de Bengale, qu’il est possible d’observer… Si la chance nous sourit.

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Aranyakam, sublime maison traditionnelle reconvertie en chambre d'hôtes.
Aranyakam, sublime maison traditionnelle reconvertie en chambre d'hôtes. Emilie Thièse
S’émerveiller devant un spectacle de kathakali

« Où l’œil va, la main suit ; où la main va, l’esprit suit ; où l’esprit va, l’émotion suit ; où l’émotion va, l’expérience esthétique surgit. » Cette règle énoncée dans le Nâtya-shâstra, traité artistique indien du IIe siècle, est aussi la maxime du kathakali. Cette discipline où se croisent mime, théâtre, danse, musique et chant, est née dans le Kerala au XVIIe siècle. Ses artistes se produisent aujourd’hui encore dans les temples, au cours de festivals, où ils mettent en scène les épisodes des grandes épopées mythologiques hindous. À Cochin, le Kerala Kathakali Center permet aux non-initiés de saisir la subtilité de cet art. Après le rituel du maquillage, les acteurs, parés de fards et de costumes grandioses, se joignent aux musiciens et font s’harmoniser voix, gestuelle et rythme des tambours, pour donner vie à ces fresques poétiques.

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Le kathakali, discipline où se croisent mime, théâtre, danse, musique et chant, est née dans le Kerala au XVIIe siècle.
Le kathakali, discipline où se croisent mime, théâtre, danse, musique et chant, est née dans le Kerala au XVIIe siècle. Emilie Thièse
Prendre une leçon de cuisine (et d'amour) kéralaise(s)

À Cochin, au fond d’une joyeuse venelle, une jungle jardin dissimule la maison de Sheeba. Green Woods Bethleem ou la promesse d’une embrassade maternelle, d’un lit douillet et aussi, parfois, d’un cours de cuisine. À l’instar de ses plats, Sheeba est chaleureuse, enveloppante, et chrétienne. Outre l'icône qui toise ses fourneaux et les effigies, nombreuses, qui ornent son salon, sa confession religieuse se goûte également sous la langue : beurre, ghee et lait ont bonne place dans ses préparations. Curry de poisson à la mangue et au lait de coco, soupe au potiron, curry de tomates, poulet frit aux épices… Et les délicieuses petites galettes à la farine de blé, les chapati et poori. À défaut d’acquérir sa dextérité à piler, pétrir, rissoler, entre deux éclats de rire, on attrape quelques astuces, avant de se délecter du résultat sur son toit terrasse, et d’apprendre, au passage, comment (bien) se trouver un mari.

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Avec Sheeba, on attrape quelques astuces en cuisine, avant de se délecter du résultat sur son toit terrasse, et d’apprendre, au passage, comment (bien) se trouver un mari.
Avec Sheeba, on attrape quelques astuces en cuisine, avant de se délecter du résultat sur son toit terrasse, et d’apprendre, au passage, comment (bien) se trouver un mari. Emilie Thièse
Se perdre dans Fort Cochin

Ancien comptoir aux épices, Cochin n’a pas attendu Vasco de Gama pour s’ouvrir au monde. L’explorateur portugais débarqué en 1498, traçant ainsi, par la mer, une nouvelle route des Indes, succède alors à plus de deux siècles d’échanges commerciaux. Depuis l’Antiquité, Romains, Grecs, Phéniciens, Arabes ou Chinois se sont pressés avant lui dans les ports de la côte de Malabar, chargés d’or, d’encens, d’ivoires ou de céramiques. En échange de leurs trésors, des pierres précieuses, et la petite perle qui court sur les écorces tropicales des Ghâts occidentaux : le poivre noir. C’est à Fort Cochin, dans le quartier historique, que se perpétue le mieux la destinée interculturelle de la ville. Les demeures qui bordent ses allées aérées rappellent les influences européennes qui s’y sont succédées – portugaises, hollandaises et anglaises – tout comme l’église Saint-François, la plus ancienne du pays, ou encore, la synagogue Pardesi et le palais Mattancherry. Au-delà de ces témoins de pierre, le quartier exhale une atmosphère éclectique, artistique, nonchalante et mouvante, impalpable. Pour s’en imprégner, il faut prendre le temps de s’y perdre. Observer, aux heures chaudes, les femmes aux saris éclatants déambuler par petites grappes sous leurs parapluies mauves ; agiter, à la nuit tombée, la main dans le sillage des paquebots, la tête aux vendeurs de babioles multicolores, et s'étonner d’un spectacle de danse soufie contemporaine face à la mer.

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C’est à Fort Cochin, dans le quartier historique, que se perpétue le mieux la destinée interculturelle de la ville.
C’est à Fort Cochin, dans le quartier historique, que se perpétue le mieux la destinée interculturelle de la ville. Emilie Thièse
Embrasser la diversité culturelle indienne

Aux dires de certains, c'est dans le Kerala que la devise indienne « l’unité dans la diversité » s'incarne le mieux. Pour s'en persuader, il faut explorer les environs de Cranganore, à quelques kilomètres au Nord de Cochin. Sur ce petit territoire se concentrent les plus fiers emblèmes de la mosaïque religieuse qui compose le pays. Cheraman Juma Masjid, la plus ancienne mosquée du sous-continent indien (629 après J-C), édifiée à la demande du roi Cheraman Perumal qui, après avoir vu en rêve le prodige de Mahomet, la lune « fendue en deux », abdiqua pour se rendre à la Mecque et se convertir à l’Islam. L’église de Saint-Thomas fondée par l’apôtre lui-même, arrivé sur la côte en 52 après J-C pour évangéliser la région. Les synagogues de Paravur et de Chendamangalam qui témoignent de la présence, dès le Xe siècle, d'importantes communautés juives et rappellent qu’en ces lieux se tenait jadis Shingli, le mythique royaume judaïque. Ou encore, le temple dédié à la déesse Bhadrakali, de plus de 2 000 ans.

Crapahuter dans les plantations de thé

Au début du siècle dernier, lorsque la chaleur se faisait intenable, les colons anglais fuyaient le littoral et affluaient vers l'Est, à Munnar, dans la fraîcheur des montagnes. Aujourd'hui, ses paysages verdoyants ravissent les jeunes mariés en lune de miel, et les autres. Ses 10 000 ha de plantations de thé qui ondoient sous l'œil affable des Ghâts occidentaux offrent la possibilité de très belles randonnées. Les marcheurs aguerris s'aventureront jusqu'au sommet du Chokkan Mudi, à près de 2 500 mètres, où ils croiseront peut-être un tahr des Nilgiri, espèce endémique, à mi-chemin entre l'antilope et la chèvre. La frontière intérieure naturelle du Kerala, cette chaîne de montagnes plus ancienne que l'Himalaya, reconnue Patrimoine mondiale par l'Unesco, recèle en effet une biodiversité unique. À la nuit tombée, on prend plaisir à enfiler une laine pour admirer la pureté du ciel étoilé, depuis la terrasse d'un cottage niché à flanc de colline, comme ceux d'Olive Brook.

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On part en rando à Munnar, dans la fraîcheur des montagnes !
On part en rando à Munnar, dans la fraîcheur des montagnes ! Emilie Thièse
Faire le plein d'épices

Cardamome, cannelle, curcuma, gingembre... Et les fameux grains de poivre s'en donnent à cœur joie dans le climat tropical du Kerala. Chaque maison possède au moins son petit jardin d'épices. Sur la route de Munnar, les plantations de plantes aromatiques et piquantes sont légion, avec à la clé, une visite pédagogique et quelques emplettes. Mais les boutiques d'épices fleurissent aussi sur la côte, de quoi repartir les valises bien garnies.

Paresser sous les cocotiers

L'une des dernières raisons peut-être, mais non la moindre… La beauté changeante des plages du Kerala. Les longues langues de sable blond quasi désertes de la pointe Nord, celles encore préservées de Marari et de Kattoor ; les falaises de latérite rouge de la mystique – et touristique – Varkala ; ou encore les échancrures d’une côte sauvage où les aigles virevoltent en nombre, à quelques kilomètres de la très fréquentée Kovalam. Avec, à chaque fois, en ostinato, la masse filiforme et cambrée des cocotiers.

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N'oubliez pas enfin de vous prélasser sur les plages du Kerala, parmi les plus belles du monde...
N'oubliez pas enfin de vous prélasser sur les plages du Kerala, parmi les plus belles du monde... Emilie Thièse

Carnet pratique

La fréquence des lignes d’Oman Air qui, au départ de Paris, dessert, deux à trois fois par jour, tous les aéroports du Kerala - Calicut, Cochin et Trivandrum - avec un temps d’escale réduit. En prime, le bon plan que l’on se passe (encore) sous le manteau : une classe affaire à prix doux, dotée des prestations et du service d’une Première…

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