Art, culture & société

7 polars à ne pas lire dans le noir

Sous leurs airs tranquilles, certaines villes cachent des réalités peu reluisantes. Laissez ces romans noirs vous guider sur les lieux du crime!

1. Tatouages (Barcelone)

Manuel Vásquez Montalbán, 1976

La première enquête de Pepe Carvalho l'emmène dans les bas-fonds d'une capitale catalane encore sous la botte du régime franquiste. Un noyé sans tête, porteur d'un tatouage: «Né pour révolutionner l'enfer», lui sert de poisson-pilote. Ancien communiste «hédoniste et sentimental», à l'image de son auteur, le privé barcelonais est flanqué d'une ribambelle de pieds nickelés, dont Biscuter, son compagnon de banquet, et sa maîtresse Charo, prostituée des humbles. Après moult libations et un crochet par Amsterdam, la solution de l'énigme ne donnera rien de bon. Mais Pepe aura fait du polar un régal de gastronome.

Là où certains sont appâtés par l'architecture moderniste de Barcelone, d'autres viennent y chercher des fantômes. L'âme de la ville interlope des années franquistes et du port ouvert à des horizons dignes de Corto Maltese n'est plus, évanouie dans les réaménagements urbains consécutifs aux Jeux olympiques de 1992. Natif du Barrio Chino, Montalbán évoque les quartiers jadis populaire d'El Born, des Ramblas, les places de Catalogne et Villa-de-Madrid où Pepe a son bureau, mais aussi celle des promoteurs le long du clinquant front de mer…

2. Rosa, ce soir (Buenos Aires)

Marco Denevi, 1955

Un peintre est accusé du meurtre de sa jeune épouse, Rosa. Ténébreuse affaire dont cinq témoignages contradictoires viendront venir tisser la trame… Voilà un roman policier sans policiers, et un chef-d'œuvre de «l'école de Buenos Aires». Le récit mêle le fantastique social et le drame dostoïevskien, sans oublier d'évoquer le petit peuple porteño (habitants de la capitale argentine).

Gigantesque métropole, la seconde d'Amérique latine, Buenos Aires est dix fois plus vaste que Paris et compte 48 «barrios» (quartiers). Autant dire qu'on n'en fait pas le tour en un week-end. Recoleta, c'est le chic parisien des avenues et des immeubles haussmanniens, loin de San Telmo, berceau du tango, la Boca ou Barraco, des quartiers pittoresques et animés, ou de Puerto Madero, sur les rives du Rio de la Plata, et de ses docks réhabilités, jalonnés de cafés branchés. À voir, le Palacio Barolo, sur l'Avenida de Mayo, dans le quartier de Montserrat. Cet immeuble des années 1920 est entièrement dédié, y compris dans la symbolique des nombres qui ont présidé à son agencement, à la Divine Comédie de Dante…

3. Le noir qui marche à pied (Pretoria)

Louis-Ferdinand Despreez, 2008

Dans un pays marqué par l'inscription dans la loi de la ségrégation raciale, Pretoria fit figure de modèle: l'apartheid présida au développement urbain de la ville au XXe siècle. Les Noirs d'un côté, les Blancs de l'autre: un site idéal pour un polar décidé à déjouer tout manichéisme et à sauter à pieds joints sur toutes les mines posées par l'Histoire. En mettant en scène une série d'enlèvements d'enfants dans Le Noir qui marche à pied, le mystérieux Louis-Ferdinand Despreez, écrivant dans un français volontiers argotique sous un patronage que son prénom explicite, s'attaque à un symbole de l'Afrique du Sud: l'héritage et l'avenir de la première génération post-apartheid.

Des demeures cossues des premiers colons néerlandais aux jacarandas (essence d'arbre d'origine sud-américaine) qui ont colonisé les bords de ses rues, la capitale administrative de l'Afrique du Sud se présente comme une auberge espagnole de multiples implantations venues de loin sur ce sol austral. Pretoria constitue en outre le point de départ vers la mine Cullinan, où fut trouvé le plus gros diamant au monde à ce jour, et surtout des parcs naturels du Transvaal, la région la plus septentrionale d'Afrique du Sud.

4. Visa pour ShangHai

Qiu Xiaolong, 2003

Les enquêtes de l'inspecteur Chen sont aussi raffinées qu'un supplice chinois. Dans le deuxième opus de la série, notre homme, tout autant gourmet que poète, prend en charge un agent du FBI qui enquête avec lui sur un assassinat commis dans un parc de Shangai. Triades, immigrants clandestins et trafic d'organes assaisonnent le récit. Mais Chen vit dans une démocratie populaire où la vérité n'est jamais bonne à dire, surtout quand elle sert à éclairer les zones d'ombre de la société. Tout l'art de Xiaolong consiste à suggérer sans se déshonorer. En Chine, pas question de perdre la face devant un étranger.

Shanghai, 18,5 millions d'habitants. Une métropole tentaculaire, en chantier permanent. Moins une ville romantique qu'une destination d'affaires. Mais qui possède malgré tout quelques attraits touristiques. Quelques repères: People Square qui concentre les musées les plus importants de la ville; le Bund, promenade sur berges qui ménage de superbes vues sur la skyline du centre financier Lujiazui, de l'autre côté du fleuve; le jardin Yu, réplique des admirables jardins de Suzhou; l'ancienne concession française, idéale pour une petite balade parmi les platanes et les villas anciennes.

5. La cité des Jarres (Reykjavik)

Arnaldur Indriđason, 2005

Un taux d'homicide quasi nul n'a pas empêché l'Islande de se tailler une place étonnante dans le champs du polar. Témoin, le commissaire Erlandur conduit pour sa première apparition à enquêter sur la mort d'un vieil homme. Des photographies vont le conduire vers un autre cadavre enfoui dans un sous-sol marécageux et vers une mystérieuse cité des jarres où s'alignent des bocaux d'organes, véritable fichier génétique de la population islandaise… Indriđason excelle à restituer la sombre mélancolie de son pays, sa hantise des disparitions et de la consanguinité. L'Islande a ses jarres et ses tares.

La capitale la plus septentrionale du monde, Reykjavik, fournit l'arrière-plan des scènes de crime, notamment dans le quartier central de Nordurmyri. L'intérêt touristique de la ville se concentre, outre ses nombreux musées et ses vieux quartiers, autour du lac de Tjörnin, qui résonne du cri de plus de 40 espèces d'oiseaux. À la belle saison, l'Islandais vit à l'heure espagnole et sa capitale boréale prend des allures festives. La tournée des bars (opération connue sous le nom de djammiđ) se poursuit jusqu'à une heure avancée de la nuit dans une ambiance généralement bon enfant. Une île à part, une ville hors zone.

6. Les égouts de Los Angeles

Michael Connelly, 1992

L'inspecteur Harry Bosch du LAPD (Los Angeles Police Department) a été durablement traumatisé par son passage au Vietnam où il officiait dans une unité de «rats de tunnel», chargée de sécuriser des galeries vietcong. Ce passé va se rappeler à lui d'une drôle de manière lorsqu'est découvert un ancien compagnon d'armes… dans les égouts de Los Angeles. Michael Connelly plonge dans l'enfer de la Cité des Anges sans prendre de gants, et son flic donne à ce polar la dimension d'un roman social.

West Hollywood, au pied de Santa Monica et en lisière de Beverly Hills, sert de cadre à l'intrigue. Dans ce paradis de la branchitude qu'est WeHo, des paparazzis se planquent dans le secteur de Robertson et West 3rd Street à la recherche d'un scoop, le shérif circule à bord d'une voiture frappée d'un arc-en-ciel, et les stars viennent faire leurs emplettes dans les boutiques de luxe quand elles ne s'encanaillent pas le long de Sunset Trip. La réalité est un film dont les romans de Connelly nous révèlent l'envers du décor.

7. Trilogie marseillaise

Jean-Claude Izzo, 1995–1998

Une saga policière et le tryptique amoureux d'un écrivain fou de sa ville. Les enquêtes de Fabio Montale (nom inspiré par le poète génois Eugenio Montale), un flic errant, détricotent les mailles de la cité phocéenne. Izzo avait été rédacteur en chef du quotidien La Marseillaise. Ses trois opus, Total Khéops, Chourmo et Solea, empruntent à la chronique et à la faune locales, celle des ripoux, des dealers des quartiers Nord, des mafiosi, des extrêmistes islamistes, des militants FN…

Au début de chacune de ses fictions, Izzo précisait toujours que «cela dit, Marseille, elle, est bien réelle». Acun doute à ce sujet. Emboîter le pas à Montale, c'est s'aventurer dans la géographie intime de la ville, arpenter les ruelles du Panier, autour de la Vieille Charité, flemmarder au bout de la digue du large, se poster au pied du phare Sainte-Marie, descendre le cours Julien dans le quartier de la Plaine, et vivre les calanques. Bref, c'est sortir de la gare Saint-Charles et plonger dans le bain.

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