Coup de cœur pour ce village plein de charme, dans le nord-est de l’île, adossé à une paroi montagneuse qui paraît infranchissable. On reste sans voix devant le spectacle des pics basaltiques aux allures de château fort, burinés par l’érosion, qui s’élèvent à l’ouest. Sur l’un d’eux, à 300 m d’altitude, une Vierge blanche a été hissée en 1872. Au centre du village, adossée à la montagne, se profile l’église en bois et en pierre, dotée de deux clochetons symétriques rouges. Le front de mer engazonné et planté de cocotiers est ornementé de tikis, œuvres de sculpteurs locaux, et bordé par une plage de sable noir.
La principale route d’accès, depuis Taipivai (12 km), est superbe. La montée très raide jusqu’au col de Teavaitapuhiva (443 m), à 7,5 km de Taipivai, est impressionnante. Peu avant le col, vous jouirez de perspectives magnifiques sur plusieurs cascades, à travers la végétation. Au col, un belvédère a été aménagé, d’où l’on découvre toute la baie de Hatiheu.
Hatiheu mérite le détour pour ses sites archéologiques, admirablement restaurés, situés un peu avant l’entrée du village. C’est également le point de passage obligé pour se rendre dans la baie d’Anaho.
Les sites archéologiques de Kamuihei, Tahakia et Teiipoka
Ces trois sites adjacents, restaurés en 1998, puis réaménagés pour le festival des Marquises de 2011, se déploient de part et d’autre de la piste, à quelques centaines de mètres avant d’arriver au village. Ils rassemblent tous les éléments architecturaux d’un clan : vestiges des plates-formes d’habitation (pae pae), de lieux de festivités et de réunion (tohua), de sites religieux (meae), pétroglyphes, fosses alimentaires de stockage et banians (arbre sacré). L’importance et le nombre de ces structures témoignent de la forte densité de population qui occupait jadis cette vallée : on estime qu’elle était dix fois supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui.
Le site de Kamuihei est le plus spectaculaire, ne serait-ce que pour l’ambiance étrange qui se dégage de cet amas de gros blocs basaltiques couverts de mousse. La présence d’énormes banians renforce cette impression. Aucune datation n’a encore été faite. De l’autre côté de la piste s’étend un autre tohua restauré, celui de Tahakia, et quelques pae pae. Ce site était celui du clan du guerrier Keikahanui. Un panneau explicatif a été installé, mais, en l’absence de fléchage, il n’est pas très facile de trouver par soi-même certains vestiges, notamment les superbes pétroglyphes qui ornent deux grosses pierres, sur le site de Teiipoka ; ils représentent des figures humaines, des oiseaux, des chiens, des tortues, des cercles concentriques et des poissons (dont un regalec, qui ressemble au mahi mahi).
Le site archéologique de Hikokua
Ce site est à 400 m plus en aval du précédent, sur la piste principale en direction de Hatiheu, légèrement en retrait sur la droite. Cet ancien lieu de festivités et de sacrifices humains fait coexister sculptures anciennes et œuvres récentes. Découvert par l’archéologue R. Suggs en 1957, le site a été restauré par les habitants de Hatiheu à partir de 1987. Il daterait de 1250 et aurait été utilisé jusqu’au siècle dernier. Le cadre est magnifique : à travers les cocotiers, on distingue, en toile de fond, vers le nord-ouest, les pics qui bordent la baie de Hatiheu.
À l’entrée du site, sur une plate-forme à gauche, vous ne manquerez pas d’apercevoir un tiki phallus d’un bon mètre. Tout près, une fosse alimentaire (ua ma), d’origine cette fois, est également visible.
La partie centrale du site se compose d’une vaste esplanade, rectangulaire, qui était réservée aux danses lors des festivités communautaires. Elle est flanquée de petites plates-formes en bloc de basalte à un ou deux niveaux, qui faisaient office de gradins pour les spectateurs. La partie basse des gradins était occupée par les spectateurs des castes inférieures, le second niveau, par les castes supérieures. Cette esplanade prête régulièrement son cadre à des danses traditionnelles – dont l’impressionnante danse du Cochon – exécutées par le groupe de Hatiheu, notamment lors du passage des touristes de l’Aranui.
Sur la terrasse est, on distingue un groupe de deux statues et un rocher plat. Les deux sculptures, modernes, ont été réalisées par un sculpteur de l’île. L’une représente un guerrier victorieux venant de terrasser ses deux ennemis. La roche plate qui se trouve posée à côté est une pierre d’origine, utilisée à diverses fins : elle servait de “podium” pour les danses en solo ; afin d’accomplir des rites liés à la puberté, comme par exemple exposer les corps et les parties génitales des jeunes garçons ou filles ; ou pour exhiber les premiers tatouages des personnages importants. La seconde sculpture moderne figure une cheffesse avec un enfant.
Au sud-est de l’esplanade s’égrènent neuf tombes chrétiennes faites avec des petites dalles de keetu (tuf volcanique rouge). On suppose qu’elles datent de l’époque de l’arrivée des premiers missionnaires, après l’abandon du site.
La plate-forme du fond (au nord de l’esplanade, côté océan) était le centre des activités cérémonielles. Elle est flanquée de dalles de keetu et, sur le devant, de trois tikis, dont un est relativement bien conservé. Vers l’arrière, vous verrez un tiki moderne figurant d’un côté une tortue, animal symbolique. C’est à cet endroit qu’avaient lieu les sacrifices et l’exposition des victimes.
En l’absence de toute signalétique, ces sites ne sont pas compréhensibles pour un œil non spécialiste. Faites-vous accompagner par un habitant du village (renseignez-vous au restaurant Chez Yvonne, au village ; ci-contre), mais ne vous attendez pas à des commentaires très scientifiques. Autre option : une excursion en 4x4 guidée au départ de Taiohae.