En face du port de pêche, le Centre d’accueil des anciens immigrants occupe une place à part dans l’histoire de l’île, et notamment de son importante communauté d’origine indienne. C’est ici que débarquèrent entre 1834 et 1920 près d’un demi-million de travailleurs sous contrat, majoritairement en provenance d’Inde (mais aussi d’Afrique de l’Est, du Yémen, de Madagascar, de Chine et d’Asie du Sud-Est), bientôt appelés coolies.

L’idée de cette immigration revient aux Britanniques, alors maîtres de l’île, et plus progressistes que la France sur la question de l’esclavage. En 1835, l’abolition du travail forcé à Maurice s’apprête en effet à priver de main-d’œuvre les plantations sucrières, sur lesquelles repose une large part de l’économie insulaire. Voulant “démontrer la supériorité du travail libre sur le travail forcé”, les Anglais puisent dans une autre de leurs colonies les bras nécessaires et proposent à des paysans indiens de s’engager dans les plantations mauriciennes. Des travailleurs libres, certes, mais dont les conditions de vie furent si difficiles que certains historiens parlent d’“esclavage volontaire”.

Les premiers coolies, au nombre de 36, arrivèrent à Port Louis le 2 novembre 1834. Construit pour organiser leur débarquement à partir de 1849, l’Aapravasi Ghat (“là où débarquent les immigrés” en hindi) devint la plaque tournante de ce coolie trade (commerce de travailleurs salariés). On estime que près de 70% des ancêtres des Mauriciens actuels transitèrent par ces bâtiments, soit environ 460 000 personnes.

Le site, superbement pensé et documenté, est un formidable lieu de mémoire. Il reste environ 30% des installations d’origine, qui couvraient aussi l’actuelle gare routière située de l’autre côté de la route – d’où son nom d’“Immigration Square”. À leur sortie des bateaux, les nouveaux venus y restaient 2 jours afin d’être enregistrés et de subir un contrôle sanitaire, puis rejoignaient la plantation pour laquelle ils avaient le plus souvent signé un contrat de travail de 5 ans. Ceux qui présentaient des symptômes de choléra ou de malaria étaient envoyés en quarantaine sur l’île Plate ou vers les autres îles environnantes (un épisode romancé par J.M.G. Le Clézio dans La Quarantaine).

Sur place, on peut voir les 16 marches par lesquelles les immigrants arrivaient, l’infirmerie, les toilettes, les bassins où ils se lavaient et d’autres bâtiments réalisés en pierres de basalte tenues par un mortier à base de chaux, de sable et de sirop de canne. On découvre également un monument inauguré en 2005 par le Premier ministre indien, et un beau centre d’interprétation, dans lequel sont reconstitués une cale de bateau et un logement typique des plantations. Les panneaux d’explications, les maquettes, les bornes interactives, les vitrines présentant contrats de travail ou objets du quotidien, nombreux et passionnants, soulignent avec clarté les difficultés inhérentes à cet engagement volontaire. À la fin du circuit, on découvre plusieurs salles dédiées à l’histoire et la politique de l’île. Rare vestige de l’histoire de “l’engagisme”, l’Aapravasi Ghat a été classé au Patrimoine de l’Unesco en juillet 2006 (voir l’interview ). Depuis 2001, le 2 novembre est un jour férié, en mémoire des engagés.

217 3157, 217 7770 ; www.aapravasighat.org ; Quay St, Trou Fanfaron ; lun-ven 9h-16h, sam 9h-midi
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