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Publié le 02/12/2024 4 minutes de lecture
Le Festival du Film d'aventure de Paris revient du 24 au 26 janvier. Au programme : des aventures avec un grand S, sans forcément aller au bout du monde, qui nourrissent au passage une réflexion sur l'art de voyager au XXIe siècle.
Pour beaucoup, ce sera le premier voyage de l'année 2025. Sur grand écran ! Du 24 au 26 janvier, la 6e édition du Festival du Film d'Aventure de Paris se tiendra au CentQuatre, à Paris. Avec Vrang, projeté en avant-première, on partira avec Cédric Tassan en vélo dans les montagnes du Pamir ; la caméra de En Roues Libres suit Pierre, blessé au Bataclan en 2015, dans son voyage vers le Kilimandjaro en fauteuil roulant ; 29173 NM embarque avec Thomas Ruyant sur le Vendée Globe 2020. On suivra aussi la kayakiste Nouria Newman dans les eaux du Pakistan (Big Water Theory), Sophie Lavaud vers le Nanga Parbat (Sophie Lavaud, Le dernier sommet), le combat du grimpeur Klaas Willems (Still Alive) ou encore l'étonnant défi de transporter un piano jusqu'à une école isolée à 4 200m d'altitude dans l'Himalaya (Piano to Zanskar)…
Organisée par le tour-opérateur Terres d'Aventure, cette manifestation qui propose cette année 30 films a lieu tous les deux ans. Pour sa première édition, en 2013, elle se déroulait sur deux jours et dans une seule salle de cet espace ouvert à tous les arts actuels. "Aujourd'hui, nous en sommes à deux grandes salles de projection et une programmation étalée sur trois jours, avec des conférences et des manifestations dans la grande nef du CentQuatre", précise Marianne Furlani, responsable de la programmation du festival chez Terres d'Aventure. Le festival a atteint son rythme de croisière, avec environ 10 000 spectateurs par édition.

De Nicolas Vanier à Stéphanie Bodet
Après l'explorateur polaire Nicolas Vanier, le peintre-voyageur Titouan Lamazou, le réalisateur Luc Jacquet, le président de la Société des explorateurs Français Olivier Archambeau et l'écrivain Sylvain Tesson, c'est cette année la grimpeuse Stéphanie Bodet qui préside le jury. Championne du monde de bloc en 1999, cette adepte des voyages verticaux s'est illustrée sur des "big walls" du Pakistan à Madagascar et du Maroc au Venezuela, en passant par le Yosémite américain et les Hautes-Alpes de son enfance. Elle est aussi autrice de plusieurs livres, notamment Salto Angel (2008) et À la verticale de soi (2016). Une sportive qui a fibre littéraire, donc, mais qui s'intéresse aussi de longue date aux films d'aventure. "Ceux de Marianne Chaud sur le Zanskar ont été une révélation pour moi. L'immersion de cette femme, son film réalisé avec une vraie démarche et peu de moyens, avec une authentique passion pour la rencontre, l'apprentissage d'une langue… Des images qui demandent beaucoup d'énergie pour être réalisées, mais qui donnent paradoxalement accès à une forme de simplicité."
L'inattendu, l'impromptu, l'inconnu…
Sa définition de l'aventure ? "L'ouverture à l'inattendu, à l'impromptu, à l'inconnu." Mais elle a changé au cours du temps, reconnaît la grimpeuse : "Plus jeune, le mot m'évoquait des grandes parois. Maintenant, c'est aussi la possibilité de saisir des choses autour de soi, sans nécessairement aller très loin. Je suis très sensible aujourd'hui à l'idée d'aventure de proximité." Elle se fait une joie de confronter points de vue et idées avec les autres membres du jury : Sophie Galvagnon, capitaine de navires d'expédition polaire qui s'intéresse de près aux bateaux décarbonés, l'apnéiste Guillaume Néry, plusieurs fois champion du monde qui se consacre aujourd'hui à la sensibilisation à la fragilité du monde sous-marin, et le réalisateur Mathieu Le Lay, primé en 2019 pour son film In the Starlight.

Trente films d'aventure sous toutes ses formes
Ils décerneront quatre prix (un cinquième, le prix du public, est comme il se doit décerné par le vote des spectateurs) parmi les 30 films de la programmation. "Ce sont uniquement des documentaires, pas des fictions, et il n'y a pas de durée obligatoire. Nous avons sélectionné des films de 18 à 90 minutes, précise Marianne Furlani. Leur point commun est de montrer une aventure, dans le sens le plus large du terme. Une aventure humaine, sportive, des rencontres, un dépassement de soi, en bas de chez soi ou à l'autre bout de la terre." Et, bien sûr, qui donne envie de voyager. Cette année, le comité de sélection a particulièrement prêté attention à ce que la programmation soit en phase avec la nouvelle raison d'être de Terres d'Aventure : "Mettre chacun en mouvement en pleine nature, c'est changer les esprits et transformer le monde." Les films présentés s'intéressent ainsi à tout le monde, y compris les personnes en situation de handicap, malades ou non sportives, avec l'accent mis sur le cadre naturel, la transformation de soi, le mouvement sous toutes ses formes.

Dans l'air du temps, mais "sans se couper les ailes"
Une programmation au cœur des enjeux actuels, privilégiant des approches et une sobriété dans lesquelles se reconnaît Stéphanie Bodet. "Dans les années 1980, l'univers des films d'aventure était très mécanisé, avec des hélicos dans tous les sens. Ce qui me touche aujourd'hui, c'est cette génération qui a bien compris qu'il faut envisager de vivre les choses autrement, avec des modes de déplacement plus sobres, plus simples. En retrouvant ce que l'on appelle en montagne la marche d'approche, avec sa lenteur très nourricière." Pour la présidente du jury, les films sélectionnés résonnent avec l'époque et ses questionnements sur notre impact de voyageurs. "Sans non plus se couper les ailes", insiste-t-elle. "J'ai été pendant quelques années dans une forme d'écologie extrême, et je me suis rendu compte qu'il me manquait aussi quelque chose, car je limitais mes déplacements, et donc les rencontres. C'est aussi pour cela que je suis heureuse de retrouver ce monde du voyage, de nourrir ces réflexions, ce conflit intérieur que tout le monde peut avoir : comment vivre sereinement les voyages, en étant lucide, mais en même temps en continuant à s'émerveiller. Parce que c'est précieux de garder l'enchantement."
