Qasr al Farid est le tombeau emblématique du site antique de Hégra.

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AlUla, un musée à ciel ouvert en plein cœur du désert d’Arabie

© Jean Bernard Carillet

C’était un secret (très) bien gardé. Depuis très peu de temps, l’Arabie saoudite, auparavant l’un des pays les plus fermés au monde, s’ouvre au tourisme pour diversifier ses ressources économiques, et met en avant l’oasis d’AlUla. Pour les visiteurs occidentaux, c’est l’occasion de s’immerger dans des paysages désertiques époustouflants et d’effectuer un voyage dans le temps, en découvrant de fabuleux sites archéologiques préislamiques, longtemps ignorés des Saoudiens eux-mêmes. Une nature de toute beauté que complète un spectaculaire patrimoine historique, dans un territoire jusque-là vierge de toute empreinte touristique.

L’oasis d’AlUla

C’est un décor martien et lunaire, un océan de sable dans lequel l’érosion a façonné les massifs de grès et de basalte en récifs acérés. Il y a encore 10 ans, personne n’aurait parié sur cette oasis méconnue, perdue dans le Hedjaz, une région très peu habitée au nord-ouest de l’Arabie saoudite. La grande ville la plus proche, Médine, est à 300 km au sud.

La ville d’AlUla se déploie le long de l’oasis, dans une vallée plantée d’une immense palmeraie et bordée d’abruptes parois. Celle-ci forme une tache verte qui semble s’étirer à l’infini. AlUla se compose d’une partie moderne, avec des maisons blanches et basses, où vivent environ 40 000 habitants, qui jouxte la cité antique, composée d’un écheveau de constructions en pierre et en pisé. Grâce à l’irrigation, on y cultive des dates, des mangues et une trentaine de variétés d’agrumes. Des sentiers permettent de se balader dans l’oasis. Il est prévu d’y construire des voies cyclables et des pistes équestres.

Le soir venu, la vieille ville d’AlUla se transforme en lieu de vie, animé de boutiques, de cafés et de restaurants. Il règne alors une douceur de vivre à laquelle on ne s’attendait pas.

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Le clou d’une visite à AlUla ce sont les tombeaux de Hegra.
Le clou d’une visite à AlUla ce sont les tombeaux de Hegra. Jean Bernard Carillet

Les tombeaux de Hegra

Le clou d’une visite à AlUla, c’est Hegra, à une dizaine de minutes de voiture de la ville. Il s’agit d’une ancienne cité où vivaient les Nabatéens (comme à Petra, en Jordanie), un peuple de négociants issus de Jordanie. Ces nomades arabes ont prospéré grâce à un sous-sol riche en eau qui leur permit de faire pousser figuiers, dattiers et oliviers, faisant de leur cité une étape pour les caravanes sur la route de l’encens et des épices entre l’actuelle Jordanie et le Yémen. L’âge d’or de cette civilisation se situe entre -100 av. J.C. et 100 après J.C. De cette époque subsistent des vestiges funéraires monumentaux, dont une centaine de magnifiques tombeaux aux façades sculptées dans la roche, avec des entrées ornées de motifs finement ciselés. Parmi ceux-ci, le Qasr Al Farid, isolé, taillé dans un monolithe de pierre haut de 16 mètres, qui se dévoile aux visiteurs comme un trésor surnaturel au milieu du désert.

Ces chefs-d’œuvre troglodytiques ont été abandonnés au Ve siècle de notre ère, et sont tombés dans l’oubli jusque dans les années 1980, lorsque des archéologues locaux ont entamé des fouilles. Hegra est le premier site archéologique saoudien inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008.

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Jean Bernard Carillet

Les ruines de Dadan et les inscriptions de Jabal Ikhmah

Ces deux sites sont très proches l’un de l’autre, à proximité immédiate de la ville. Dadan rassemble de nombreux tombeaux creusés dans une grande falaise rouge, entre les VIIIe et Ve siècles avant notre ère (donc bien avant les Nabatéens). Des sculptures remarquablement préservées représentant des lions garnissent la roche.

On rejoint ensuite le canyon de Jabal Ikmah, qui rassemble des centaines d’inscriptions et d’écritures sacrées (qui préfigurent l’écriture arabe) gravées à même la roche – une bibliothèque plurimillénaire en quelque sorte, dans un exceptionnel état de conservation grâce à l’isolement et à la sécheresse.

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Pour prendre la mesure des lieux, réservez une balade en montgolfière.
Pour prendre la mesure des lieux, réservez une balade en montgolfière. Jean Bernard Carillet

Sites naturels

Pour prendre la mesure des lieux, on peut réserver une balade en montgolfière. Ou bien se rendre au point de vue de Harrat par une route sinueuse. Ce promontoire naturel offre une vue unique sur la ville et la vallée, et toute la palmeraie luxuriante, qui semble émerger comme un mirage au milieu du désert.

En fin de journée, la lumière ocre ravivée par le soleil rasant empourpre le paysage, composé d’imposantes montagnes de grès qui s’imbriquent à perte de vue avec les dunes. Au milieu de ce décor lunaire, certains rochers se distinguent par leurs formes biscornues, très photogéniques. De loin, on dirait de gros champignons sur lesquels on aurait posé une énorme bougie fondue. Direction l’Éléphant, un monolithe de grès dont la configuration évoque un pachyderme, tout près duquel on a creusé des trous circulaires à même le sable, recouvert de banquettes moelleuses – un lieu exceptionnel pour passer la soirée en immersion en sirotant une boisson. Autre rocher extravagant, The Rainbow Rock, une fantastique arche sculptée par le vent. Un régal pour les yeux !

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Le palais Maraya est recouvert de miroirs dont les réflexions démultiplient à l’infini le sable du désert.
Le palais Maraya est recouvert de miroirs dont les réflexions démultiplient à l’infini le sable du désert. Jean Bernard Carillet

Les événements culturels

Mirage ou miracle ? Aux portes de la ville, face à une imposante colline de grès, l’incroyable palais Maraya, centre de congrès et de concerts, est recouvert de 9 500 m2 de miroirs dont les réflexions démultiplient à l’infini le sable du désert. On a l’impression qu’il se confond avec le paysage, comme dans un mirage. Inauguré en 2019, ce gigantesque cube consacré aux manifestations culturelles détone dans un pays où la musique et les arts vivants étaient interdits encore il y a peu. Des artistes internationaux viennent régulièrement s’y produire.

La vallée d’AlUla accueille également des festivals, dont Desert X, un festival dédié au Land Art. Sur le thème du mirage, une quinzaine d’œuvres éphémères, installations artistiques monumentales réalisées par des artistes arabes, européens ou africains, sont disséminées dans le désert alentour. Autre grand événement annuel, Winter at Tantora met en valeur le patrimoine et la musique, sous forme de concerts.

La nouvelle politique touristique de l’Arabie saoudite

En quelques années, le royaume a complètement changé de cap pour ne pas rater le coche de l’ouverture au tourisme international. Le gouvernement a amorcé une politique d’assouplissement des mœurs et des lois sans précédent, avec notamment le grand plan “Vision 2030”. Objectif ? Sortir de la dépendance aux énergies fossiles en misant sur des secteurs économiques jusque-là délaissés, dont le tourisme. Pour autant, le pays ne veut pas commettre les mêmes erreurs que ses voisins, qui ont en partie cédé aux sirènes du tourisme de masse, et préfère miser sur un développement durable, qualitatif et écoresponsable. Des accords de coopération ont d’ailleurs été signés avec la France.

Jusqu’en 2019, il n’était pas possible d’obtenir un visa touristique. Depuis la fin de la pandémie, les autorités ont décidé d’accorder des visas aux touristes internationaux, que les citoyens français peuvent obtenir sans difficulté, en ligne (e-visa). Il n’est pas nécessaire de passer par une agence de voyage ni d’être encadré par un tour-opérateur local. On peut donc visiter le pays en toute indépendance, en empruntant les transports locaux, en louant une voiture, en séjournant dans les hôtels et même chez l’habitant en formule couchsurfing ou Airbnb ! Pas de contrôles particuliers sur place, ni d’obligation de porter le voile pour les femmes (à la différence de l’Iran). En revanche il faut être vêtu “décemment”, avec des vêtements couvrants (pas de short, jupes, etc.), et la consommation d’alcool est interdite.

Est-il éthique de se rendre en Arabie saoudite ?

C’est la question que l’on peut se poser, tant ce pays suscite des controverses à propos de la violation des droits humains. Pourtant, il est incontestable que l’Arabie saoudite, longtemps figée dans un immobilisme rétrograde, a entrepris une mutation, largement alimentée par une jeunesse assoiffée d’ouverture sur le monde. La police des mœurs, tant redoutée par la population, a été démantelée, les codes vestimentaires se sont considérablement assouplis, les Saoudiennes sont de plus en plus représentées dans de nombreux métiers (y compris le tourisme), il existe désormais des endroits mixtes et les frontières se sont ouvertes. Bref, l’étau se desserre, même si le rigorisme et le conservatisme ont toujours cours. L’Arabie saoudite est en marche vers une certaine “libéralisation”. Le site d’AlUla, considéré comme une vitrine et une zone-test de la nouvelle Arabie, est sans doute le plus “ouvert” du pays. À ce titre, il constitue une bonne entrée en matière avant de poursuivre l’exploration dans d’autres régions.

Par ailleurs, de nombreux observateurs font légitimement remarquer que d’autres pays soumis à un régime autocratique, tels que l’Iran, la Chine, l’Égypte voire la Turquie, ne suscitent pas autant de réserves alors qu’ils ne sont pas plus respectueux des droits humains.

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Jean Bernard Carillet

Guide pratique de l'Arabie Saoudite

Comment aller en Arabie Saoudite ?

De décembre à mi-mars, la compagnie saoudienne Saudia Airlines propose un vol direct à l’aller entre Paris-CDG et AlUla (5 heures de trajet), avec un retour via Riyad ou Djeddah. À partir de 700 € l’AR. www.saudia.com

Il est également possible de se rendre à AlUla via Dubai avec Emirates et FlyDubai.

Informations pratiques

https://visa.visitsaudi.com/ (pour le visa)www.experiencealula.com (site officiel d’AlUla)www.visitsaudi.com (site de l’office du tourisme de l’Arabie saoudite)

Hébergement en Arabie Saoudite

AlUla se veut un modèle en matière d’hébergements écoresponsables. Les autorités locales ont favorisé l’implantation récente de plusieurs établissements haut de gamme parfaitement intégrés dans l’environnement, dont Habitas AlUla (www.ourhabitas.com ; double à partir de 480 €). Cet hôtel niché dans une vallée se compose de cellules d’habitation amovibles, en matériaux recyclables. Inspirées des tentes nomades, elles peuvent être déplacées dans laisser d’empreintes. L’accent est mis sur la convivialité autour d’une piscine spectaculaire, qu’un service permanent de buggies électriques permet de rejoindre. Pour les budgets plus réduits, il est également possible de loger dans des caravanes Airstream (à partir de 320 €), un hébergement insolite disposé autour d’espaces communs de style bédouin.

Il existe en parallèle une offre plus abordable, disponible dans la ville d’AlUla, sous la forme d’hôtels très simples et d’hébergements que l’on peut trouver via la plateforme Airbnb.

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