
La Thaïlande en mots et en images
Mis à jour le : 9 janvier 2017

De ravissants croissants de sable, des temples aux couleurs chatoyantes, des forêts tropicales… Destination-phare du tourisme, la Thaïlande figure dans de nombreux films et livres, qui en montrent l'envers du décor.
1. Le Pont de la rivière Kwaï (Kanchanaburi)
Pierre Boulle, 1952
Bien avant d'écrire son plus célèbre roman, La Planète des Singes, Pierre Boulle fut durant la Seconde Guerre mondiale officier de laison des Forces françaises libres en Asie du Sud-Est, puis interné dans un camp de prisonnier en Indochine par le gouvernement de Vichy. Cette expérience lui inspirera son premier roman, basé sur l'authentique construction d'une ligne ferroviaire entre la Thaïlande et la Birmanie par des soldats britanniques, faits prisonniers par les forces japonaises. Un esclavage militaire, dont le pont fera plusieurs milliers de morts dans les rangs britanniques. Si Pierre Boulle ne s'attarde guère sur les atroces conditions de détention et d'exploitation des prisonniers, la construction du pont synthétise, sous sa plume, le dilemme mortel entre discipline et rébellion. David Lean tranchera la question d'une façon spectaculaire en faisant sauter le pont dans son adaptation du livre (tournée au Sri Lanka) et marquera l'aventure au fer rouge de la marche sifflée composée par Malcolm Arnold.
Le pont de la rivière Kwaï existe toujours : l'original, en bois, a été reconstruit en métal sur l'emplacement orginal, à Kanchanaburi, non loin de la frontière birmane. Le pont se visite, et la ville comprend un mémorial et deux musées dévolus à la construction de l'ouvrage, et aux nombreuses morts qu'elle provoqua.
2. Very bad trip 2 (Bangkok/Krabi)
Todd Phillips, 2011, États-Unis
Ne nous leurrons pas : Very bad trip 2 est la copie quasi conforme du premier épisode – trois amis se réveillent dans une chambre d'hôtel dévastée au lendemain d'un enterrement de vie de garçon carabiné dont ils n'ont plus aucun souvenir, et partent à la recherche d'un quatrième larron paumé en route – mais le transport de l'action en Thaïlande épice le scénario de scènes d'action déjantées et encore plus politiquement incorrectes. Une vulgarité assumée qui a fait le succès de la saga, et qui paradoxalement n'écorne pas l'image de la Thaïlande, dont la réputation de centre international des plaisirs interdits n'est de toute façon plus à faire : après tout, ce sont les Américains qui se mettent la tête à l'envers, pas les Thaïlandais, même si ceux-ci se chargent de fournir méditation bouddhique, peep show, prostitués tous genres confondus et plages exotiques.
Les quartiers les plus pittoresques de Bangkok servent de cadre à une poursuite avec des mafieux russes. L'atout maître du film est son installation sur la plage de Krabi, face à la mer d'Andaman. Considérée comme l'un des spots touristiques les plus authentiques de Thaïlande, la province de Krabi abrite le parc national de Koh Lanta, comprenant la fameuse île, où la célèbre émission de télé-réalité… n'a jamais été tournée. Le meilleur moment pour y pratiquer la plongée, le trekking ou la spéléologie s'étend d'octobre à avril, hors période de mousson.
3. L'Homme au pistolet d'or (AO Phang Nga)
Guy Hamilton, 1974, Grande-Bretagne
La production des James Bond a toujours oscillé entre l'excès de sérieux (surtout ces derniers temps) et un second degré confinant au grotesque, mais réjouissant quand il est assumé. C'est le cas ici, et si vous voulez vous relaxer des moues terminatoresques de Daniel Craig, courez voir, revoir, L'Homme au pistolet d'or. James Bond y affronte Dracula – c'est-à-dire Christopher Lee – flanqué d'un nain coriace (incomparable Hervé Villechaize) sur une île paradisiaque, fait des loopings avec sa voiture d'une rive à l'autre d'un canal de Bangkok, jongle entre une Suédoise blonde et une Suédoise brune, et se fait donner une leçon d'art martial par des jumelles thaïlandaises en costume de collégienne. La liste est trop longue pour tenir ici. Rappelons encore que le troisième téton sied à Roger Moore. C'est absolument sublime pour peu qu'on laisse son premier degré, comme Britt Ekland, au placard, et ça fait passer Austin Powers pour un drame scandinave.
L'office du tourisme thaïlandais doit une fière chandelle à L'Homme au pistolet d'or, qui fit une publicité sans pareille à la baie de Phang Nga, dans la mer d'Andaman, en y situant l'île de Scaramanga. Celle-ci, Ko Phing Kan, est désormais plus communément nommée « île de James Bond ». Sous les traits de Pierce Brosnan, 007 reviendra dans les parages pour le final de Demain ne meurt jamais, la baie de Phang Nga figurant cette fois-ci la baie d'Ha Long, au Vietnam.
4. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (Isan)
Apichatpong Weerasethakul, 2010, Thaïlande
Prenez le surnaturel sans l'hystérie, prenez la magie et retranchez-y les fumigènes, prenez la réincarnation et ajoutez-y la méditation inconsciente, diffuse, d'un souvenir mi-vécu, mi-rêvé : vous avez face à vous Oncle Boonmee, qui certes se souvient de ses vies antérieures, mais surtout déjoue tous les codes, subjugue tous les genres, et paraît rendre le cinéma à sa vérité première, celle de l'émerveillement, à force de se mouvoir dans le rythme et la lumière avec l'aisance d'un serpent d'eau. On est au seuil de tout : de la vie et de la mort avec ce personnage agonisant, de la nature et de la civilisation avec le plus sauvage des décors thaïlandais, du septième et du vidéo art avec cet emploi élastique du 16 mm. À force de jouer aux frontières, Weerasethakul reçut la récompense capitale, la Palme d'or.
Occupant tout le tiers nord-est du pays, l'Isan est une région à l'identité originale, combinant les influences thaïe et laotienne, la majeure partie de sa population étant d'ailleurs issue du Laos voisin. C'est justement à la frontière de ce pays, sur la rive ouest du Mékong, dans la province de Nakhon Phanom, qu'Apichatpong Weerasethakul a trouvé cette zone-tampon entre les temps, entre les éléments – grottes, fleuves, jungle.
5. Only God forgives (Bangkok)
Nicolas Winding Refn, 2013, France/Danemark/Thaïlande
Bangkok, rouge. C'est la couleur des néons qui habitent la ville, la nuit ; c'est la couleur qui orne les lèvres des jeunes prostituées alignées en vitrine dans les bouges luxueux de la capitale ; c'est la couleur du sang qui y coule, dans ses chambres de passe poisseuses, sur ses rings de boxe (thaïe évidemment), et des membres que l'on tranche à coup de sabre. Petit, ce sabre, presque aussi passe-partout que Vithaya Pansringarm, dont le physique de flic tranquille approchant de la retraite cache un justicier cruel et absolu, qui ferait passer l'inspecteur Harry pour le Mahatma Gandhi. La violence esthétisée du film de Nicolas Winding Refn fit également couler beaucoup d'encre, dès sa présentation au festival de Cannes : jeu de massacre gratuit et néo-fascisant, ou saga moderne et symboliste ? La réponse, il faut la chercher chez le dédicataire du film, Alejandro Jodorowsky, qui pousse lui aussi, dans ses œuvres, le gore et l'inceste à un niveau tel que la distanciation devient une question de survie.
Premier meurtre et première exécution du film : une chambre d'hôtel miteux, anonyme, et qui fait bien de le rester. Dernier meurtre du film : une chambre d'hôtel luxueuse, avec baies vitrées et vue aérienne sur Bangkok. Avatar hôtelier d'un des plus grands centres commerciaux de luxe de Bangkok, l'Emporium avec ses suites cinq étoiles permet, dans le film, de prendre de haut le sordide des entrailles de la ville, mais pas d'y échapper.
6. Plateforme (Bangkok/Phuket/Ko Phi Phi)
Michel Houellebecq, 2001
Houellebecq en Thaïlande, c'est un peu Droopy au peep show. Il tire la tronche tout du long, mais il a quelques instants de bonheur fugace. Il dit alors qu'il est content. Tout en tirant la tronche. Houellebecq traîne son regard désabusé et grinçant sur le tourisme sexuel en Thaïlande d'une manière originale : d'abord simple consommateur lambda endeuillé, son héros – prénommé Michel, tiens – en devient malgré lui un organisateur. Puisque ces mystères nous échappent, feignons d'en être l'organisateur, disait justement Cocteau. Houellebecq le prend au mot, plonge dans les bassesses d'une civilisation occidentale venue conjurer ses frustrations dans les bordels thaïlandais, entraîne le lecteur avec lui, en lui assénant chroniquement quelques crudités ne laissant guère de doute sur la teneur de son propos.
Avant les body massages et les bars à putes de Bangkok, Michel part d'abord faire un petit tour sur les plages de rêve de Thaïlande, notamment Patong Beach sur l'île de Phuket, et sur les îles de Ko Phi Phi, ravagées entretemps par le tsunami de 2004. Reconstruites en un temps record – moins d'un an – les infrastructures touristiques accueillent de nouveau le très grand nombre de visiteurs qui s'y rend chaque année.