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Culture et voyage

7 films à l'atmosphère coloniale

Mis à jour le : 24 janvier 2017

Carte

Aux quatre coins du monde, les villes coloniales évoquent l'atmosphère surranée d'un monde aujourd'hui révolu. Transportez-vous dans cette époque romanesque et tragique à travers ces films.
 

1. Pépé le Moko (Algérie/France)

Julien Duvivier, 1937, France
Un caïd de la pègre parisienne trouve refuge dans la casbah d'Alger. Il y règne en prince des voyous mais l'amour d'une femme va précipiter sa perte. Duvivier signe un film noir dans la veine du réalisme poétique du cinéma français d'avant-guerre. Une poignée d'acteurs mythiques de ces années – Gabin en tête, mais aussi Mireille Balin, Fernand Charpin ou la chanteuse Fréhel – usent de leur gouaille dans une ville blanche montrée sans exotisme facile. Duvivier n'a jamais caché sa dette au Scarface de Howard Hawks, tourné en 1932, mais les ambiances qu'il a su créer viendront influencer à leur tour le Casablanca de Michael Curtiz.
Hormis quelques plans documentaires, en ouverture du film, la casbah, où se faufilent les ombres de la nuit, a pris forme dans les studios Pathé de la rue Francœur, à Paris, aujourd'hui siège d'une école de cinéma, la Fémis. Marseille et Sète ont également prêté quelques vues. Quant à la véritable casbah, ce noyau primitif de l'al-Djazaïr arabo-berbère, elle demeure, malgré les dégradations, un joyau urbain inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce quartier très escarpé, avec son inextricable réseau de venelles, continue d'abriter des îlots de misère. Mais l'on y trouve aussi d'anciens palais, souvent décatis, des patios, des hammams et des mosquées, et les terrasses plongent toutes vers la mer. Aujourd'hui comme hier, il vaut mieux ne pas s'aventurer seul à l'intérieur de ce dédale, surtout la nuit.


 
 

2. Coup de torchon (sénégal)

Bertrand Tavernier, 1981, France
Adapté d'un polar de Jim Thompson qui se passe dans le sud des États-Unis, ce film transporte l'action dans l'Afrique coloniale des années 1930. Un policier, raillé par ses concitoyens pour sa lâcheté et méprisé par sa hiérarchie, finit par se rebiffer et se transforme en assassin machiavélique. Tous ceux qui l'ont humilié passeront de vie à trépas ! Le réalisateur s'est employé à rendre jubilatoire ce jeu de massacre, servi par des acteurs – de Philippe Noiret à Eddy Mitchell, en passant par Guy Marchand et Isabelle Huppert – au meilleur de leur forme.
Les lieux du drame ont été reconstitués dans le nord-ouest du Sénégal, à Saint-Louis et dans la région de Louga. La première, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, a conservé des quartiers entiers et des édifices emblématiques de la période coloniale, comme la poste, la caserne ou le palais du gouverneur. La seconde, moins connue, n'est pas en reste avec sa gare ferroviaire. En dehors des villes, la savane arborée, le souffle de l'harmattan et le vent sec du désert, vous replongeront dans l'atmosphère du film. Gare au coup… de pompe, la soif ici s'étanche à l'eau purifiée, pas au whisky.
 
 

3. Chocolat (Cameroun)

Claire Denis, France, 1988
Encouragée par Wim Wenders et Jim Jarmusch dont elle a été l'assistante, Claire Denis livre un premier film, en partie autobiographique, bien accueilli par la critique. Une femme retourne en Afrique de l'Ouest, et se souvient de ses années d'enfance au Cameroun, dans une localité de la brousse, où son père occupait un poste d'administrateur colonial. La fillette se montrait fascinée par la présence d'un « boy », cultivé et sensible, qui l'avait prise en amitié. Claire Denis fait partie de ces cinéastes qui font parler l'image, le cadre, les corps, et celui qu'habite Isaac de Bankolé, dans l'un de ses plus beaux rôles, exprime les tensions et les désirs à l'œuvre à la veille des indépendances africaines.
La réalisatrice récuse toute forme de nostalgie pour le passé colonial, mais les paysages qu'elle filme, dans le nord du Cameroun, dans la région de Mindif, distillent une étrange mélancolie, laconique et sensuelle. Ce pays de savane se trouve à la frontière de l'Afrique sèche, celle des déserts sahariens, et de l'Afrique humide des forêts équatoriales. Le tourisme y est peu développé et la population accueillante, profitez-en !


 
 

4. Indochine (Vietnam, Malaisie)

Régis Wargnier, 1992, France
Un souffle hollywoodien anime cette fiction romanesque qui se déroule dans l'Indochine coloniale des années 1920 à 1950. Éliane, riche héritière d'une famille de planteurs, tombe amoureuse d'un officier de marine. Mais sa fille adoptive, une jeune Annamite, s'en éprend à son tour. Tous les trois vivent un drame sentimental au milieu des intrigues politiques et des premiers attentats commis par les nationalistes vietnamiens. Son rôle de femme d'honneur, confrontée à la tragédie de l'Histoire, vaudra à Catherine Deneuve de gagner le César de la meilleure actrice (le second de sa carrière après le Dernier Métro) tandis Régis Wargnier décrocha l'Oscar du meilleur film étranger.
Wargnier n'a pas lésiné sur les moyens pour reconstituer le climat, les costumes et le décor de l'Indochine de la période coloniale. Les extérieurs ont été tournés sur place et le gouvernement vietnamien a permis à l'équipe d'accéder à des sites impériaux, notamment le palais impérial de Bao Dai, le dernier empereur du Vietnam, à Hué, restauré pour l'occasion. Les plus belles scènes du film ont pour cadre la province de Ninh Binh, au sud-ouest d'Hanoï, et les îlots rocheux de la baie d'Along, « la » merveille naturelle du pays. Mais la plantation d'hévéas, l'arbre à caoutchouc, se trouve en Malaisie, dans l'État de Penang. Même si le nord du Vietnam conserve des traces du passé colonial et impérial, l'Indochine de Wargnier réveille les fantômes d'un passé disparu.


 
 

5. Le bal du gouverneur (Nouvelle-Calédonie)

Marie-France Pisier, 1988, France
Tout le monde n'a pas eu la chance (ou la malchance) d'avoir eu des parents expatriés. Théa, elle, vit en Nouvelle-Calédonie, avec un père sous-gouverneur de l'île, qui s'apprête à accueillir un ministre français d'Outre-Mer. Au milieu des mondanités officielles, la jeune fille traverse les eaux agitées de l'adolescence, avec son lot de passions et de transgressions. S'inspirant du roman éponyme dont elle était l'auteur, Marie-France Pisier met en scène un épisode inspiré de sa propre jeunesse. Elle filme ses « 400 Coups » sous les tropiques, dans le monde suranné des années 1950.
Dans le film, Théa cherche à éteindre les feux d'un phare pour empêcher son amie d'embarquer vers la métropole. Il s'agit du phare Amédée, dressé sur un îlot de corail au large de Nouméa, où l'on peut s'adonner au snorkeling ou à la plongée. Lointain archipel situé à 17 000 km de la France, la Nouvelle-Calédonie est une destination nature qui vaut notamment pour ses plages aux eaux turquoise, ses récifs coraliens et ses paysages sauvages. Si le voyage vers ce territoire d'outre-mer vous semble trop long (24h depuis la métropole), restez dans l'atmosphère du Bal du gouverneur en allant à Nice ou Antibes : leurs palmiers sont aussi dans le film.
 
 

6. Chronique des années de braise (Algérie)

Mohammed Lakhdar-Hamina, 1975, Algérie
Point de nostalgie coloniale dans ce long-métrage couronné par une Palme d'Or au festival de Cannes qui évoque, au travers d'une saga familiale, les souffrances infligées à la population algérienne par le régime colonial et le réveil d'un sentiment national. Figure de proue du cinéma algérien, Mohammed Lakhdar-Hamina, à qui l'on doit aussi le Vent dans les Aurès, illustre dans cette fresque historique le contexte et les événements qui, de 1939 au 11 novembre 1954 (date du déclenchement de l'insurrection), ont conduit les Algériens à prendre les armes contre les Français. C'est un Guerre et Paix sans charge de cavalerie, mais qui restitue au peuple algérien son histoire.
Cette œuvre lyrique s'enracine au nord du Sahara algérien, dans l'oasis de Laghouat et dans la vallée du M'zab. Inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, le M'zab s'ordonne autour de cinq bourgs fortifiés, les ksours, qui campent depuis un millénaire au milieu des sables. Leurs médinas, formées d'un lacis de venelles et de passages couverts, dévoilent des maisons en briques crues basses et carrées, typiques de l'architecture mozabite, qui a beaucoup inspiré les urbanistes occidentaux. Sa capitale administrative est Ghardaïa. On peut aussi se rendre dans les « citadelles d'été », noyées dans les palmeraies, où les habitants viennent chercher ombre et fraîcheur. Ce pays de culture berbère a été marqué par sa communauté ibadite, un courant très minoritaire et rigoriste de l'Islam, venue, s'exiler dans ces confins désertiques pour y vivre sa foi et y édifier d'étonnantes mosquées.
 
 

7. Tabou (Mozambique)

Miguel Gomes, 2012, Portugal/France/Allemagne/Brésil
La saudade, comme la nostalgie, n'affirme sa puissance qu'au temps présent, à la sollicitation de la mémoire, et à la corruption que l'imaginaire fait subir à cette mémoire. Dans Tabou, ce hiatus s'exprime par la distinction formelle entre la première partie, racontant en 35 mm, au jour le jour, la disparition d'une femme âgée dans le Lisbonne d'aujourd'hui, et la seconde, recollection portée par une voix off posée sur un fascinant chapelet d'images en 16 mm d'une idylle vécue cinquante ans plus tôt dans la colonie portugaise du Mozambique, où un érotisme tropical s'épanouit sous les moustiquaires d'après-midi alanguis. Le « paradis perdu » qu'annonce la première partie de ce dyptique n'est pas tant la terre africaine, doucereuse, dangereuse et sensuelle que le Portugal a perdue lors de l'indépendance du Mozambique, que le regret et la recomposition du temps d'aimer, deux fois lointain – il y a un demi-siècle ; au bout du continent africain.
Pays extrêmement pauvre, le Mozambique commence à se redécouvrir une vocation touristique, avec pour principaux atouts ses plages de carte postale parfois ourlées de lagons paradisiaques. Des stations balnéaires qui s'égrènent le long de la côte s'émane le charme mélancolique des villas coloniales fânées. Maputo, la capitale, possède elle-même de superbes maisons héritées de la période portugaise, mais c'est sur l'île de Mozambique que vous pouvez découvrir le joyau architectural du pays (classé par l'Unesco), où se mêlent diverses influences. Pour rejoindre le Mozambique il est plus économique de prendre un avion pour Johannesbourg en Afrique du Sud, puis de rejoindre Maputo par la route.