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Publié le 21/06/2023 5 minutes de lecture
Avez-vous déjà goûté des falafels aux subtiles saveurs d’épinard sauvage, d’oseille des prés et de serpolet ? Du risotto à l’ail des ours ? Ou des rouleaux de printemps emmaillotés dans de larges feuilles d’alliaire et décorés de magnifiques pensées sauvages ? Toutes ces gourmandises, Sébastien Perrier, auteur de "Cueillette gourmande autour du mont Blanc", peut vous apprendre à les concocter dans des ateliers aussi ludiques que conviviaux. Rencontre avec un accompagnateur en moyenne montagne qui a plus d’une histoire à raconter sur les plantes et leurs usages.
Sébastien, tu vis aux Houches dans la vallée de Chamonix-Mont-Blanc et tu es guide depuis 5 ans. Les plantes sauvages et comestibles sont au cœur de ton activité. D’où te vient cet intérêt ?
C’est d’abord une histoire de famille, qui m’a été transmise tout petit par mes grands-parents, qui glanaient en toutes saisons. Et par des visites en vallée d’Aoste chez mes cousins, côté Italie, qui ont largement aiguisé mes sens et ma curiosité. J’ai mis tout cela de côté à l’adolescence, et j’y suis revenu de plus belle à l’âge adulte. J’ai approfondi mes connaissances sur le terrain auprès de spécialistes comme Denis Jordan, Guy Lalière, François Couplan… J’ai passé le diplôme d'ethnobotanique appliquée de l’Université de Grenoble et écrit un mémoire sur l’utilisation actuelle et ancienne des plantes sauvages comestibles au Pays du Mont-Blanc.
En quoi consiste les stages et ateliers de découverte que tu proposes ?
J’emmène de petits groupes dans les alpages et sous-bois à la demi-journée, à la journée ou sur plusieurs jours. L’idée est d’apprendre à reconnaître les principales plantes comestibles et toxiques dans leurs milieux en utilisant ses sens. La règle, c’est de toujours partir du milieu, cela aide vraiment à identifier la plante. Ensuite, il faut toucher, sentir, pourquoi pas froisser un peu la plante pour voir les odeurs qu’elle exhale, et regarder bien sûr ! Et puis j’agrémente les balades de nombreuses anecdotes qui permettent de mieux reconnaître les plantes et retenir leurs propriétés. Au fil des heures, l’œil et les sens s’exercent vite, et on ne regarde déjà plus un champ de la même manière. On voit les trésors de biodiversité qu’il contient et tout ce qu’on peut y manger. Le stage à la journée laisse le temps de revenir avec le produit de la cueillette et de passer en cuisine pour apprendre des recettes originales.
Est-ce si facile de s’y mettre ? Il y a quand même des possibilités de confusion ?
Bien sûr il faut être prudent sur l’identification. Par exemple, lorsque l’on cueille, il faut prendre garde à ne jamais glaner en grosses brassées car des plantes toxiques pourraient se glisser parmi les plantes comestibles. Il faut plutôt y aller plante par plante et prendre le temps d’observer. Même en ramassant des plantes faciles à reconnaître comme l’ortie, l’ail des ours ou le sureau, il faut toujours être vigilant ! Il peut toujours y avoir des pièges. D’un autre côté, il faut avoir en tête qu’en Europe, seules 4% des plantes sont toxiques, et en France 0,4% sont mortelles. Mais bien sûr, il faut se donner le temps de l’apprentissage.
As-tu des plantes chouchoutes qui reviennent souvent dans tes recettes ?
J’adore les arômes du lierre terrestre*, légèrement mentholé, parfait dans une sauce au fromage blanc par exemple. J’ai aussi un gros coup de cœur pour la myrrhe odorante. C’est une plante qui dégage de délicates odeurs d’anis et qu’on plantait dans les jardins au XIXe siècle. Elle est très douce au toucher, et c’est un régal au goût. J’en fait un apéritif qui est extrêmement facile à faire. Il suffit de mixer la plante avec de l’alcool au blender, de la laisser macérer 2 heures, puis de filtrer.
Que conseillerais-tu comme cueillette et recette simple pour démarrer ?
L’ortie se trouve partout et elle est exquise en soupe ou en pesto par exemple, et excellente pour la santé. En ce moment, c’est aussi l’époque idéale pour réaliser un sirop de jeunes pousses de mélèze ou de sapin. Il faut les faire macérer dans un bocal avec du sucre à l’abri de la lumière pendant 2 à 3 semaines, puis filtrer. Dans tous les cas, veillez à bien ramasser les jeunes pousses, qui seront les plus goûteuses. On peut faire un parallèle avec l’homme pour expliquer cela. La plante, comme l’humain, aura tendance à devenir de plus en plus amère avec le temps, afin de se protéger. La déguster quand elle encore tendre et très verte sera plus favorable. Et gare à ne cueillir que ce dont vous avez besoin ! Glaner avec parcimonie permet de prendre soin du milieu afin que tous puissent en profiter.
Et pour caler une plus grosse faim, as-tu d’autres propositions ?
Lors de mes ateliers, je propose par exemple de faire des rouleaux de printemps ou des falafels à partir de la cueillette du jour (voir recettes ci-dessous). L’avantage de ces deux recettes, c’est qu’on peut les réaliser avec à peu près n’importe quelles herbes sauvages. Le résultat n’est jamais le même, les saveurs varient et les possibilités sont infinies et toujours très gourmandes !
* Glechoma hederacea, à ne pas confondre avec le lierre classique, qui lui est toxique !
Recettes à base de plantes sauvages
ROULEAUX DE PRINTEMPS Ingrédients :● Feuilles de riz● Légumes râpés : carottes,radis, choux, fenouil, betterave● Noix, noisettes ou graines detournesol● Ume shu● Jus de citron● Huile de tournesol et olive● sel● Fleurs : violettes, primevères, pissenlit● Jeunes pousses : égopode, ail des ours, alliaire, silène enflée, cardamine hérissée, raiponce... Préparation :Râper les légumes, émincer les jeunes pousses. Bien mélanger le tout dans un saladier. Ajouter les noix, arroser d’un filet d’huile d’olive et de tournseol, du jus de citron et de l’Ume shu. Bien mélanger. Mouiller une feuille de riz dans l’eau tiède jusqu’à obtention d’une consistance un peu molle. La disposer sur un torchon humide. Déposer sur la feuille de riz quelques fleurs et par-dessus une feuille d’ail des ours ou d’alliaire. Ajouter la garniture. Rouler en pliant les côtés et en serrant bien mais pas trop pour ne pas percer la feuille de riz.FALAFELS AUX HERBES SAUVAGES Ingrédients :● 350g de pois chiches● 300g d’herbes sauvages (orties, feuilles de raiponce, égopode, lierre terrestre, épinard sauvage)● 1 oignon ou fleurs de ciboulette● 1 cuillère à soupe de pesto ail des ours● 1 cuillère à soupe de carvi● 1,5 cuillère à soupe de farine de blé● 8 g de poudre à lever● Sel et poivre● 2 cuillères à soupe d’huile d’olive et 1 cuillère à soupe d’huile de sésamePréparation :Mettre à tremper les pois chiches pendant 12h minimum. Pelez et coupez grossièrement votre oignon. Faire de même avec les herbes fraîches. Dans un robot mixeur, mettez tous les ingrédients (sauf l’huile - égouttez les pois chiches au préalable bien sûr et séchez-les) et mixez joyeusement, assez longtemps. Attention, la texture ne doit quand même pas être trop fine, elle doit rester un peu sableuse. Avec la cuillère à glace, faites de jolies boules que vous trempez dans l’huile avant de les disposez sur une plaque de cuisson sur laquelle vous aurez, au préalable déposé une feuille de papier sulfurisé. Enfournez pour 20 minutes de cuisson à 190° C en chaleur tournante et grill. Surveillez bien la cuisson pour ne pas trop les cuire.