Les Dolomites en Via Ferrata.

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Les Dolomites en Via Ferrata

© Salvati Photography - AdobeStock

Nous sommes quatre compagnons. Amateurs de randonnée en montagne, sans être alpinistes et encore moins grimpeurs, nous cherchons un terrain de jeu “exotique”, ludique, accessible facilement depuis la France. Une envie d’évasion… trois semaines après la rentrée de septembre. Nous optons pour la via delle Bocchette, un itinéraire de via ferrata – équipé de câbles et d’échelles – dans les Dolomites en Italie du Nord. Sur les photos, stalagmites géantes et rochers sculptés semblent tout droit sortis d’un western polenta tourné à 3 000 m d’altitude. Et nous supposons que marcher au ras des falaises avec l’appréhension délicieuse d’évoluer au-dessus du vide, tout en étant rassurés par la corde qui nous relie aux parois, comblera nos envies d’alpinistes amateurs… 

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Une route panoramique dans les Dolomites.
Une route panoramique dans les Dolomites. Xsandra - iStock

Jour 1 : l’approche

La nuit a effacé la journée de voiture de la veille – de Lille à Madonna di Campiglio, en passant par Innsbruck – et nous contemplons les crêtes déchiquetées de la montagne depuis la terrasse panoramique de l’hôtel. Soleil, jus d’orange et cornetti… Atterrissage en douceur sur la planète Dolimiti. La matinée est consacrée à la location du matériel : baudrier, sangle, casque et mousqueton. “Et pour les crampons et les piolets ?”, demande-t-on au loueur à la mine tannée et rassurante des pros de la montagne. “Pas besoin, il n’a pas neigé depuis un bout de temps.” Le sac à dos relativement léger (trois caleçons, deux paires de chaussettes, un collant et une polaire), nous attaquons la marche après avoir garé la voiture sur un parking forestier. Sapins et cascades se succèdent avant que le paysage ne s’éclaircisse à l’approche du refuge Graffer. Devant le bâtiment, une table de pique-nique nous tend ses bancs pour une partie de Yam’s… la première d’une longue série. Aux derniers rayons du soleil au-dessus des crêtes, nous regagnons notre abri qui tient plus de l’hôtel tant il diffère des refuges spartiates expérimentés en France : on nous tend la carte comme au restaurant ; on dort en chambre de quatre. Un luxe qui se renouvellera à chaque étape du séjour.

Jour 2 : l’aventure commence

Brume matinale, avant que le ciel bleu n’apparaisse. Et avec lui, ce décor enchanteur, chaos de roches d’où émergent de solides monolithes verticaux. En fin de matinée, première paroi équipée d’une ligne de vie. Nous enfilons casque et baudrier. Sur un sentier de moins d’un mètre de large, nous cheminons au bord du précipice. Certaines portions s’apparentent davantage à de l’escalade qu’à de la rando ; mais à la différence d’une via ferrata classique, la longue distance entre les pitons n’oblige pas à crocheter-décrocheter son mousqueton toutes les cinq minutes. Ce qui nous laisse tout loisir de contempler le paysage lunaire. En milieu d’après-midi, premier névé. De la neige ! On nous aurait menti ? Nous traversons néanmoins sans glisser. Jusqu’au refuge Tuckett. Très chaleureux, tout en bois. Encore une fois, le large choix à la carte nous interloque : mais comment font-ils pour se fournir en matières premières ?

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La Via Ferrata Sentiero delle Bocchette Alte dans les Dolomites.
La Via Ferrata Sentiero delle Bocchette Alte dans les Dolomites. johannes86 - iStock

Jour 3 : le glacier maudit

Après un petit-déjeuner roboratif, la journée commence par une épreuve inattendue : un imposant glacier se dresse devant nous. Impossible de passer sur les côtés. Quant à progresser sur la glace… Faute de chaussures aux semelles suffisamment crantées, incapables de marcher en canard, deux d’entre nous patinent. Une séance de moonwalking très drôle… au début. Très vite les corps et les esprits s’échauffent. Des “Mais quel cr… !”, “Comment peut-on être aussi c… !” à l’adresse du loueur nous ayant déconseillé les crampons viennent déchirer le silence des cimes. Armés d’un bâton de ski cassé dégoté au pied du glacier, nos Mickaël Jackson des neiges entreprennent de creuser des marches dans la glace. Au bout d’une heure, le géant blanc est vaincu. Le reste du parcours est technique à souhait : nous cheminons sur des vires  ces paliers très étroits à flanc de falaise – larges d’une dizaine de centimètres ; nous grimpons des échelles verticales de plusieurs dizaines de mètres. Concentrés pour ne pas glisser, car le brouillard humide s’est invité à la fête. Un vrai régal ! Nous étions venus chercher des sensations fortes. Nous en avons pour notre argent !

Jour 4 : la bulle spatio-temporelle

Ce matin, il neige. Beaucoup. Les nuages enveloppent le refuge Alimonta d’un voile opaque. Impossible de reprendre l’ascension. En attendant que la tempête se calme, nous enchaînons les fulls, les suites et les carrés – plus rarement les yam’s. À midi, à la faveur d’une accalmie, nous descendons déjeuner au refuge Brentei, un peu en contrebas. Histoire de brûler quelques calories. Nous croisons des chamois apeurés et nous amusons à tourner des vidéos sur nos portables : des histoires de montagnards en perdition dans la neige, assaillis par des yétis surgissant du brouillard. À notre retour en milieu d’après-midi, trempés et frigorifiés, nous reprenons nos joutes de dés. Une journée off qui nous oblige à faire une croix sur la dernière partie du parcours. Ce que nous prenons alors pour un coup du sort s’avérera finalement providentiel.

Jour 5 : le clou du spectacle ! 

Seuls quelques filaments assiègent encore le château fort de calcaire qui nous entoure. À peine sortis du refuge, une scène d’une exceptionnelle beauté nous emporte. Avant de partir, les nuages ont délicatement saupoudré de neige les pains de sucre qui composent le paysage. Déjà considérés en temps normal comme la plus belle portion du parcours, les Bocchette centrali nous transportent en plein rêve. À notre arrivée au refuge Vallesinella, nous posons les sacs et faisons des heures sup’ aux alentours jusqu’au coucher du soleil. Bien conscients que demain nous nous réveillerons… pour quitter cet extraordinaire jardin de pierres.

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Le chaleureux refuge Tuckett dans les Dolomites.
Le chaleureux refuge Tuckett dans les Dolomites. lorenza62 - AdobeStock

La feuille de route 

Départ et arrivée : Madonna de Campiglio (parking de Vallesinella) dans le massif de la Brenta. 

Durée : 3 à 5 jours. 

Comment s'y rendre ? Madonna di Campiglio est à 660 km de Lyon et 1 060 km de Paris. Mezzocorona, la gare la plus proche, est à 63 km ; seuls des taxis assurent la liaison. 

Quand partir ? En septembre-octobre quand le parcours et les refuges sont moins fréquentés. 

Se loger :  Une dizaine de refuges balisent la via delle Bocchette. Mieux vaut réserver en haute saison. 

Bon à savoir : Entre 2 500 et 3 000 m d’altitude, les conditions sont très changeantes. Prévoir donc des vêtements chauds, des gants pour atténuer le frottement des câbles… et un ou deux jours de rab’ en cas de tempête !

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